PEUPLADES DE BORNÉO

Création le 27 février 2023

Les journalistes du Journal des Voyages de 1912 ont cherché naturellement l’insolite. Ils ont trouvé à Bornéo de quoi assurer la curiosité de leurs lecteurs.

Même de nos jours, Bornéo est encore mystérieuse. On y cherche, et on y trouve du pétrole.

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La pénétration à l’intérieur de Bornéo est excessivement difficile, en dehors des rivières. Il faut se frayer un chemin à travers les forêts, où les lianes forment un inextricable réseau. Le sol, souvent marécageux, émet des miasmes souvent insalubres. Enfin, les indigènes de l’intérieur sont restés des sauvages dangereux, et même on les accuse encore de cannibalisme.

 LES MADANGS

La tribu des Madangs est éminemment belliqueuse, elle est devenue la terreur des pays environnants, qu’elle ne fréquente d’ailleurs que pour faire la chasse aux têtes. Aucun homme n’oserait demander une jeune fille en mariage, s’il n’avait à lui offrir une ou deux têtes coupées de sa main. D’une propreté excessive, ils ne sont pas sujets aux terribles maladies de peau qui déciment si fréquemment les autres tribus dayaks.

Leurs villages sont composés de deux ou trois maisons uniques, d’une longueur considérables, et bâties sur pilotis de trois à quatre mètres de hauteur. Les maisons forment un immense cercle dont le centre est occupé par une immense case qui sert de lieu de réunion et de logement pour les étrangers de passage. On y garde les instruments de musique : le banjo, le gong, le tambour, la harpe de bambou et la flute pour le nez.


Ils croient aux génies malfaisants et font des funérailles en conséquence. Dès qu’un membre de la tribu es décédé, on le place dans un cercueil creusé dans un tronc d’arbre, treize porteurs le montent sur leurs épaules, puis un homme se détache de la foule, coupe rapidement deux bâtons très minces et fend presque complètement l’un des bâtons ; il enfonce le bout non fendu dans la terre, et écarte la partie supérieure en forme de V, suffisamment pour laisser passer une personne. Le cortège funèbre passe, à la file indienne, à travers le V. Le cercueil est placé  sur une estrade. Le cortège s’en retourne précipitamment  en murmurant : « Pit bali krat bali jat tesip bertatip », soit : « Esprits, gardez loin de nous les maladies et la mort ». Avant de rentrer chez eux, ils vont tous se purifier par un bain, pendant lequel ils se grattent à l’envi la peau avec des silex durs et tranchants.

LES BAJAOUS
Ce sont des pirates pêcheurs. Leur village a une seule rue le long d’un canal. D’un même côté du canal, on circule de maison en maison par un trottoir en bois. Pour aller de l’autre côté du canal, on traverse à la nage, car il n’y a pas de pont. Les bateaux portent une voile pittoresque formées de pièces prises dans de vieux habits. À la cime du mât est lié un volumineux bouquet d’herbes sèches, qui sert de drapeau. L’ancre est formée par une grosse branche rendue plus lourde par une grosse pierre.



Les Bajaous doivent obéir au chef, dont le mât du bateau est muni d’un bouquet d’herbes sèches plus gros que les autres. Sur les petits bateaux, le danger vient du poisson porte-glaive, qui navigue en grand nombre. Les Bajaous ne se nourrissent que de poissons, même crus, même vivants. Un requin n’en voudrait pas, tellement cela sent mauvais.

Le Bajaou pêche aussi l’huitre perlière. L’ouverture d’un banc d’huitres donne lieu à une cérémonie officielle. Le chef désigne celui qui plongera le premier. Puis, au lever du jour, une quarantaine d’hommes plonge et travaille sous l’eau, tandis qu’un silence absolu règne sur la flottille. Quand les paniers sont pleins, le retour a lieu. C’est aux femmes et aux enfants d’ouvrir les écailles, de verser les huitres dans un bassin d’eau chaude. Pendant trois jours, la puanteur est épouvantable. Puis les femmes prennent cette bouillie fétide, et l’agitent dans leurs mains : les perles tombent dans un bassin d’eau claire et sont enfin passées au sable fin.