JOURNAL DES VOYAGES 1912 - 1

 


 Création le 1 février 2023

Le Journal des Voyages est l’un des premiers supports journalistiques français d’avant la première guerre mondiale. L’article suivant a été écrit d’après les reportages sur l’Inde du numéro du 4 août 1912.

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L’INFLUENCE DU CHAT ET DU CHIEN DANS L’INDE DU SUD

Le chat est généralement considéré comme un animal fâcheux  et de mauvais présage. Certaines tribus  sont tellement imbues de cette croyance que, quand un membre subit un mauvais sort, on lui demande :
- Aurais-tu rencontré un chat ce matin ?
Envoyer à quelqu’un deux ou trois poils de chat est lui faire une injure mortelle. Les mangeurs de chats s’intitulent « Billaikavus ». Pour se changer en taureau ou en chien, il est nécessaire de mélanger aux repas des os de chat !

L’influence exercée par le chien est tantôt bonne et tantôt mauvaise : quand un chien se gratte le ventre avec obstination, un voyageur ami tombera malade. S’il croise sa patte droite sur sa patte gauche, c’est un heureux présage. S’il gratte le mur de la maison, c’est par là qu’entreront les voleurs. S’il porte un bout de ficelle, le maître de la maison a bien des chances d’être incarcéré sous peu.

La femme kappiliyan, qui désire avoir de beaux enfants, place à l’entrée de sa maison un récipient plein de nourriture. Les chiens du voisinage arrivent, et la femme les frappe à coup de bambou : plus les chiens hurlent, plus  ses enfants seront nombreux et beaux.

Une croyance est que l’urine de chien sauvage est très dangereuse : elle aveugle. Sa morsure pardonne rarement, mais cela provient de ce que les sorciers introduisent dans la blessure un petit morceau de cuivre, qui l’envenime immédiatement.

L’ESCRIME AUX INDES

Les officiers de l’armée indienne s’entraînent avec des sabres de bois. On remarquera que le devant du bouclier porte une sorte de poignard, et sa base est pourvue d’une lame d’épée : c’est une arme à la fois défensive et offensive.

Avant la conquête anglaise, les princes hindous passaient leur temps à se faire la guerre, et à dépeupler mutuellement leurs royaumes. Depuis, les sports nationaux  ne sont plus qu’un souvenir, à l’exception du polo, qui est resté en honneur dans l’aristocratie indienne.



L’EXPÉDITION ANGLAISE CONTRE LES ABORS

Le pays des Abors est une région montagneuse et boisée située dans le bassin du Brahmapoutre « le fils du Créateur », par delà les frontières de l’Inde, et sur les contreforts de l’Himalaya. Les habitants sont des tribus belliqueuses : ils disent qu’ils sont comme des tigres, et qu’ils ne peuvent vivre à deux dans le même repaire.

À la suite du massacre d’un fonctionnaire anglais, une expédition de 2600 hommes et de 3 000 coolies nagas (qui mangent volontiers des chiens, qu’ils regardent comme une nourriture des plus délicates) est décidée. Une mission scientifique en profite pour accompagner cette expédition.

Les Abors utilisent des flèches empoisonnées imprégnées du germe du tétanos. La pointe barbelée et empoisonnée se détache facilement de la tige : on ne peut l’en retirer sans déchirer les chairs.

Pour se protéger contre les attaques, les Anglais ont construit des redoutes en bois. Ils se sont aussi munis de chiens de guerre, qui signalent l’approche des indigènes ennemis, avant qu’ils aient été vus par les coolis.



Les Abors sont des montagnards de l’Himalaya, à l’origine du fleuve Brahmapoutra. Ils habitent une sorte de jungle inaccessible. Le nom d’Abor n’est pas une désignation ethnique, c’est un surnom voulant dire barbare ou ennemi. On ne possède aucune carte de ce pays. Les Abors sont une race robuste. Les hommes sont souvent querelleurs, les femmes ont  une physionomie douce et agréable. Les hommes portent sur la tête une sorte de casque en bambou orné de plumes.

Les villages sont très fortifiés. Pour passer les rivières, les Abors utilisent une corde de lianes solidement attachée  à des échafaudages en bois construits sur chaque rive. Ils s’accrochent à la corde par les mains et par les pieds, en soutenant le corps par une ceinture en câbles dé liane déjà enfilée dans la corde unissant les deux rives.

Les Abors sont adonnés au fétichisme. Ces tribus sont de curieux vestiges des populations les plus primitives d’Asie.