Création le 5 août 2020
Modification 1 le 16 août 2020
Rithy Panh, né le 18 avril 1964 à Phnom Penh au Cambodge, est un réalisateur, producteur, scénariste, monteur, acteur et écrivain franco-cambodgien. La plus grande partie de sa carrière est consacrée au traumatisme et au travail de deuil suite aux horreurs commises par le régime des Khmers rouges entre 1975 et 1979.
En 2013, il crée un documentaire, « L’image manquante ». Il fait revivre son enfance et sa famille détruite par les Khmers rouges. L’évocation poignante et sobre d’un crime de masse qui n’a pas laissé d’images. « Mon enfance, je la cherche, comme une image perdue. Ou plutôt, c’est elle qui me réclame.
En 2013, il crée un documentaire, « L’image manquante ». Il fait revivre son enfance et sa famille détruite par les Khmers rouges. L’évocation poignante et sobre d’un crime de masse qui n’a pas laissé d’images. « Mon enfance, je la cherche, comme une image perdue. Ou plutôt, c’est elle qui me réclame.
Il y a tant d'images dans le monde, qu'on croit avoir tout vu. Tout pensé. Depuis des années, je cherche une image qui manque. Une photographie prise entre 1975 et 1979 par les Khmers rouges, quand ils dirigeaient le Cambodge. À elle seule, bien sûr, une image ne prouve pas le crime de masse ; mais elle donne à penser ; à méditer. à bâtir l'histoire. Je l'ai cherchée en vain dans les archives, dans les papiers, dans les campagnes de mon pays.
Maintenant je sais : cette image doit manquer ; et je ne la cherchais pas - ne serait-elle pas obscène et sans signification ? Alors je la fabrique. Ce que je vous donne aujourd'hui n'est pas une image, ou la quête d'une seule image, mais l'image d'une quête : celle que permet le cinéma. Certaines images doivent manquer toujours, toujours être remplacées par d'autres : dans ce mouvement il y a la vie, le combat, la peine et la beauté, la tristesse des visages perdus, la compréhension de ce qui fut ; parfois la noblesse, et même le courage : mais l'oubli, jamais."
Alors le cinéaste les fait revivre à sa manière en multipliant ses petites figurines en glaise très expressives mêlées à un mélange de films officiels montrant Pol Pot et ses amis en train de s’applaudir, ou les longues files ondulantes de captifs devenus terrassiers.
Pour mettre au point le texte, il s'associe à Christophe Bataille. Après des études de gestion à l'école des Hautes études commerciales (Paris), ce dernier travaille 2 ans à Londres en coopération pour L'Oréal. De retour à Paris, il change de métier en 1995 et passe dans le monde de l'édition chez Grasset, tandis qu'il continue d'écrire la nuit. Depuis janvier 2007, il soutient "Bibliothèques sans frontières", une jeune ONG qui vise à faciliter l'accès au savoir dans les pays en développement.
Ils décident de faire des phrases comme des slogans, passant des heures et des heures sur internet, encouragés en cela par Catherine Dussart, la productrice du film, qui lui dit "vas-y, vas-y". Le résultat est poignant. Ce n'est pas un film, c'est un témoignage.
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Né le 19 mai 1928, dans la province de Kampong Thom, au sein d'une famille paysanne plutôt aisée, Saloth Sâr est un adolescent un peu timide, mais aussi rieur et populaire. «C'était un bouddhiste qui n'aimait pas la bagarre», Immigré en France, Saloth Sâr s'inscrit à l'École française de radioélectricité de Paris. Début 1953, Saloth Sâr rentre au Cambodge ; il a quitté la France en ayant arrêté sa scolarité et sans avoir obtenu de diplôme, mais après avoir fréquenté les milieux communistes.
En 1960, à la faveur d’une réunion secrète tenue du 30 septembre au 2 octobre près de la gare de Phnom Penh, Saloth Sâr intègre le comité central du Parti ouvrier du Kampuchéa. Il prend le surnom de Pol Pot, le «Frère numéro un». La population considère alors les Khmers rouges comme une force libératrice, suite au déversement des tonnes de bombes par les Américains pendant la guerre du Vietnam en 1975.
Mais l'horizon cambodgien s'assombrit brusquement. Pol Pot dispose d’une armée aguerrie, suite aux conflits. Son rêve : non seulement faire table rase du passé, mais aussi table rase du présent. Il fonde l'Angkar, (« Organisation révolutionnaire »), Tout opposant est mis à mort. Dès 1975, le génocide fera disparaître au moins 1,7 millions de personnes dans le pays.
Le régime est sévère avec la population urbaine. Les habitants des villes - «lieu de la contamination impérialiste» - sont contraints d'aller travailler à la campagne. Le régime est particulièrement hostile aux intellectuels.
Le régime est sévère avec la population urbaine. Les habitants des villes - «lieu de la contamination impérialiste» - sont contraints d'aller travailler à la campagne. Le régime est particulièrement hostile aux intellectuels.
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La princesse Norodom Bopha Devi
Le film commence par deux symboles : une danseuse figurant le Cambodge traditionnel, et le raz de marée de la guerre civile.
Au départ, le peuple cambodgien n’est pas défavorable aux Khmers Rouges, qui pourraient mettre fin à l’injustice et à l’exploitation, et entraîner la société civile vers grandiose « bond en avant ». Pour Pol Pot, le communisme intégral est une société civile parfaite. Cette future société n’aura ni faim, ni fatigue, les personnes âgées seront nourries par une machine. Un monde de rêve, quoi !
Mais avant tout, il faut détruire le présent. La déshumanisation commence par la faim et la déchéance physique : avec la faim, on tient un homme, c’est une arme. Très vite, la famine gagne.
Il faut d’abord rééduquer, ainsi que combattre l’ennemi. Premièrement, ne jamais toucher l’ennemi avec la main ; ensuite un centre de tortures est installé à Phnom Penh, les artistes sont exécutés.
Il faut d’abord rééduquer, ainsi que combattre l’ennemi. Premièrement, ne jamais toucher l’ennemi avec la main ; ensuite un centre de tortures est installé à Phnom Penh, les artistes sont exécutés.
Deux millions de Cambodgiens sont déportés dans des wagons à bestiaux pour faire des travaux de terrassement et d’irrigation. On leur coupe les cheveux, on teint leurs habits en noir.
Les films de propagande sont seuls autorisés, tous les autres sont détruits.
Une mère va cueillir des mangues, c’est interdit. Sa fille de neuf ans la dénonce. La mère est envoyée dans la forêt : elle ne reviendra pas. Il ne faut plus de père, plus de mère, plus d’émotions. Même une casserole est individualiste : le seul objet personnel autorisé est une cuiller.
Le père de Rithy Panh, qui a perdu la quasi-totalité de sa famille, est épuisé, et se laisse mourir de faim en déclarant ne plus vouloir manger de nourriture pour animaux. Pour tenir, il faut cacher en soi une force, une image, qui remplacera les images manquantes.