GENGIS KHAN




Création le 16 août 2018
Modification 1 le 24 septembre 2018

Michel Hoàng est historien et journaliste français spécialiste de la Chine et du Sud-Est asiatique.

D’origine vietnamienne par son père, Michel Hoàng a étudié à l'École nationale des langues orientales et publié plusieurs ouvrages, notamment sur le Vietnam et la Thaïlande. Il voyage très régulièrement en Asie.


Les illustrations proviennent pour la plupart de l'excellente émission de France 5 sur la recherche de la tombe de Gengis Khan.

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Quel singulier destin que celui de cet éleveur de chevaux, élu Gengis-khan - c'est-à-dire khan océanique -, par quelques nomades d'Asie centrale pour mener de traditionnelles opérations de chasse et de razzias ! En vingt ans, il va rassembler toutes les tribus de la Mongolie puis édicter un code de lois qui impose une discipline rigide à la société mongole et qui fera l'admiration des voyageurs occidentaux. À la tête d'une armée remarquablement organisée, il se lance alors dans la conquête de la Chine, et, Pékin à peine tombé entre ses mains, il repart pour dévaster le Proche-Orient. Tandis que les ténèbres s'abattent sur les pays des Mille et Une Nuits, il appelle un taoïste renommé pour qu'il lui enseigne les secrets de la longue vie comme si, devenu maître du monde, il voulait conquérir d'autres domaines que ceux que l'on s'approprie par le sabre. 

"Mes descendants se vêtiront d'étoffes d'or ; ils monteront de superbes coursiers et presseront dans leurs bras les jeunes femmes les plus belles. Et ils auront oublié à qui ils devront tout cela." 

Pour une fois, l'homme qui n'avait connu aucune défaite se trompait. Dès le XIIe siècle, la légende s'empare du forgeron de l'Empire mongol, dont le nom et le mode de gouvernement sont restés synonymes de terreur. Michel Hoàng nuance ici ces clichés en montrant que le barbare sanguinaire était aussi un homme d'État et que le despote oriental cachait un stratège de génie.  (Babelio)
 


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Au milieu du XIIème siècle, les Mongols ne forment ni une nation véritable, ni un royaume. Regroupés en tribus placées sous l'autorité d'un Khan, ils s'allient ou se séparent au fil des ans. Ce n'est qu'en 1220, quelques années avant sa disparition que Gengis Khan s'établit dans un camp militaire, Qaraqorum. Il faudra attendre 1264 pour que Qubilaï-Khan, le petit-fils du conquérant, s'installe sur le trône de Pékin, devenu Khanbaliq, la ville du Khan.


La vie de Gengis Khan a suscité d eux chroniques mongoles : "Le Livre d'or" et "L'histoire secrète des Mongols". Ces deux chroniques ne devaient être commmuniquées qu'aux seuls membres de la famille gengiskhanide. Plusieurs voyageurs médiévaux ont laissé des récits pittoresques, mais c'est l'archéologie qui apportera le plus de lumière.

Armée de l'empereur chinois Shi Huangdi


À la fin du mois d'août 1227, lorsque s'éteint Tèmudjin,  le secret le plus absolu doit régner. Son escorte de 1 000 cavaliers d'élite l'accompagne vers Qaraqorum, sa capitale. Toute personne croisée en chemin doit obligatoirement mourir sur le champ. Les pleurs, les chants et les libations dureront trois jours. Selon la tradition, c'est au pied d'un grand arbre, dans les collines nimbées de brume que sera enterré le Khan. Aujourd'hui, on a oublié quelle montagne portait sa sépulture.




Tout d'abord, quelques renseignements sur la famille de Tèmudjin. Ce sont des Mongols. L'Asie centrale reste l'une des parties du globe les plus mal connues. Quelques explorateurs occidentaux ont laissé des récits : climat inhospitalier, rudesse du relief, tempêtes de terre fine, le loess (terre jaune), steppe stérile coupée de zones désertiques, les gov (dont nous avons fait Gobi).

C'est dans ce monde austère, sinon hostile, que nait celui qui deviendra Gengis-Khan. Selon les bardes, un loup et une biche furent les premiers géniteurs des clans princiers. Son père, Yèsugeï s'allie au roi des Keraït, par un pacte consistant en un échange rituel de sang dont on boit quelques gouttes versées dans du lait caillé.

Au cours d'une chasse au faucon, Tèmudjin rencontre sa future épouse. De bonne heure, Tèmudjin et ses frères s'exercent à reconnaître les plantes comestibles, à surveiller le bétail, à traire les juments, à baratter le lait, et à faire de l'équitation.

Son père le fiance très tôt à une fille nommée "Bleu du ciel", dont le visage avait de l'éclat et ses yeux du feu. Au retour, Yésugeï est traitreusement empoisonné par des Tatars. Tèmudjin est ainsi orphelin à neuf ans. Sa mère perd toutes ses prérogatives dans le clan, mais réagit avec une grande force de caractère, et poursuit sa vie nomade (le mot nomade vient du grec nomos, le pasteur).

Les nomades mongols n'ont pas de résidence fixe et ne savent jamais où ils seront le lendemain, à la recherche de l'herbe qui nourrit les troupeaux. Chaque sexe a une occupation particulière : les femmes conduisent les chariots, traient les vaches, font le feutre qui couvrent les maisons, tandis que les hommes font les arcs et les flèches, charpentent les maisons, gardent les chameaux ...

Le nomade est inséparable de son cheval qui est pour lui synonyme de mobilité, de rapidité et de liberté...


Les nomades fabriquent leur tente (yourte) avec des matériaux qu'ils trouvent à portée de la main : du feutre de laine de mouton, et du bois de genévrier ou de saule, dont les branchettes forment un treillis. De longues perchent convergent vers le sommet du chapiteau et s'encastrent dans un anneau de bois lourd qui comprime l'ensemble de la structure. Les murs sont créés par de larges plaques de feutre. Le tout fait 200 kilos et peut être transporté sur un chariot tiré par une quinzaine de bêtes de trait.

Les produits laitiers et la viande forment la base de la nourriture, consommée le soir. Lorsque meurt un bœuf, les Mongols sèchent la viande au soleil. Cette viande est très nutritive et se conserve bien. Les cavaliers peuvent donc se nourrir de cette viande et du yaourt ("épaissir" en turc).

La vie des paysans sédentaires relève de la géométrie de ses champs ; celle des nomades de la géographie de ses pâturages. Aux yeux des Mongols, l'attachement du paysan à sa terre paraît monstrueux ; les cultivateurs ne sont que des esclaves de leur terre. Cette hostilité réciproque remonte à des millier d'années. Du fait de leur mobilité, les Mongols ont deux activités annexes : le commerce et la guerre.

À partir du Xème siècle, la haute Mongolie traverse une profonde anarchie, chaque tribu se défiant farouchement de sa voisine. Pour les unir, il faut leur imposer un cadre rigide que seuls l'autorité et le charisme d'un prince pourront instituer.

Depuis plus de 2000 ans, les Chinois qui sont en relation avec les nomades mongols les désignent souvent sous les termes de "barbares crus" (hostiles) ou "barbares cuits" (pacifiés).

Revenons à Tèmudjin : un jour, sa famille se fait voler huit chevaux sur les neuf qu'elle possède. Il se lance à la poursuite des pillards et récupère les chevaux. Puis il se marie avec Bœrtè : les rites sont immuables : le jeune marié doit enlever de force sa promise dissimulée dans sa famille. Le jeu du bozkashi, où les cavaliers se disputent la dépouille d'une chèvre, est vraisemblablement une survivance de ce rite.


Or voici que surgit un groupe de 300 cavaliers Merkit qui enlève Bœrtè, une vendetta d'une vingtaine d'année. Tèmudjin crie sa détresse au mont sacré de Burqan-Qaldun




Selon "l'Histoire secrète", ce mont serait la montagne magique qui aurait engendré les Mongols. La guerre commence. Elle a pour prétexte les beaux yeux d'une jeune épouse.

Tèmudjin fait alliance avec des chefs mongols. Après l'échange rituel du sang, ils se proclament "anda", c'est-à-dire amis jurés. Les Merkits sont battus et Tèmudjin récupère Bœrtè, alors que son escorte personnelle se limitait à neuf chevaux ! Conscients de cet exploit diplomatique, ses amis proposent à leur jeune chef de devenir Khan. Marco Polo résume ainsi : "Quand cet homme de grande valeur, de grand sens et de grande prouesse fut élu roi, tous les Tartares qui étaient répandus dans cette contrée vinrent à lui et le tinrent pour Seigneur".

Temudjin passe alors à la postérité sous le nom de Gengis-Khan, "l'homme fort océanique", c'est à dire vaste comme l'océan. Il a quarante ans. Des chamanes ont prévu cette ascension fulgurante, mais non sans risque. Un proverbe mongol affirme : "Il ne peut y avoir deux ours dans une même caverne".


Après sa victoire contre les Tatars, Tèmudjin gravit une marche de plus vers le pouvoir suprême, mais Jamuqa, son ex-anda, fou de jalousie, déclenche une bataille (de l'Argoun), où Gengis Khan est blessé et reste inconscient la moitié de la nuit. Il est soigné avec du lait caillé de jument. Et c'est la victoire, en application du proverbe mongol : "Quand la flèche est sur la corde, il faut la décocher".


Peu à peu, les rustres bergers deviennent de rudes guerriers. En 1202, Gengis Khan se sent assez puissant pour tenter de mettre à genoux les Tatars : il écrase quatre tribus tatar coalisées. Mais une nouvelle bataille contre les Kéraït le met en difficulté et il doit faire retraite. Et la chance lui sourit, il reçoit des renforts et récupère un important butin.


Puis Tèmudjin s'attaque aux Naïmans, qu'il vainc au cours d'une bataille terrible, ce qui lui permet de faire main basse sur les armes, les bijoux, les vêtements et les femmes. Les tribus voisines se rallient en masse.


Au milieu de l'année 1206, il convoque les chefs de clan célèbres pour qu'ils entérinent son pouvoir à l'occasion d'un grand rassemblement, le "quriltaï", dans un formidable décorum, et il récompense ses partisans par des cadeaux somptueux. Par exemple le chamane qui avait prédit son ascension reçoit un harem d'une trentaine de jolies femmes ... Il a cette chance insigne de se faire entourer par des hommes de grande valeur, excellents tacticiens rompus aux charges de cavalerie. 


Gengis Khan peut donc forger une véritable armée de conquête dotée d'une discipline de fer et d'une organisation capable d'assurer l'entraînement et le déploiement de cent mille cavaliers.

Les lois, en temps de guerre, sont expéditives :
- La sentinelle inattentive sera tuée ;
- Le messager-flèche qui s’enivre sera tué ;
- Celui qui cache un fugitif sera tué ;
- Le guerrier qui s’approprie, sans droit, du butin sera tué ;
- Le chef incapable sera tué.

Après avoir vaincu ou rallié quelques tribus supplémentaires, Gengis Khan règne sans partage sur des hommes qui lui obéissent le respect aux lèvres et la peur au ventre. Chamane est un mot d’origine tungus qui désigne un individu « transporté » et qui traverse des périodes d’extase et de possession. Un chamane prend de l’influence sue Tèmudjin, jusqu’à lui faire évincer son frère. Finalement, c’est Boertè, sa propre épouse qui le met en garde. Il ne va pas par quatre chemins et fait assassiner le chamane, et il nomme comme remplaçant un homme âgé.



Et maintenant, c’est la Chine qu’il lui faut. Son armée, composée de troupes de choc, passe de 100 000 hommes à près de 200 000. À titre indicatif, Philippe Auguste ne disposait en 1214, à la bataille de Bouvines, que de 1300 cavaliers. La Chine est alors divisée en trois États distincts :

- au nord-ouest l’Empire du Minyak, allié des Chinois dont il est une sorte de dominion. Malgré une armée de 150 000 hommes, il est menacé, car entouré par des puissances plus importantes.


- le second État est dominé par les Ruzhen, proches des Mandchous, et qui fondèrent la dynastie des Jin, se sinisèrent adoptant les institutions des Tang et des Song. L’économie de cet empire du nord reposait sur l’agriculture céréalière et les échanges commerciaux avec les nomades des steppes.


- la Chine méridionale est l’empire des Song pratiquant la riziculture irriguée. Elle compte environ 60 millions d’habitants. Hangzhou, la nouvelle capitale chinoise dépasse 500 000 âmes, la plus grande ville au monde, pour atteindre 1 million du temps de Marco Polo. Elle abrite un monde commerçant : des jonques hauturières emplies d’épices, de soie ou de thé, pouvant emporter plus de 600 personnes dans ses flancs voguent vers des ports lointains. Elle connait une intense vie culturelle, mais, envers de la médaille, le mandarinat est miné par la corruption et le népotisme.

 Gengis Khan attaque d’abord le Minyak, mais ne dispose pas encore de matériel de siège, face aux cités fortifiées. Pour s’emparer d’une ville inexpugnable, il simule des négociations : la paix pour la livraison de tous les oiseaux et chats de la cité. À ceux-ci on attache de l’étoupe à laquelle on met le feu. Beaucoup viennent agoniser dans les greniers, et les incendier. Profitant de la panique, les Mongols s’engouffrent dans la cité. Finalement, le monarque du Minyak obtient une paix honorable en acceptant une suzeraineté nominale de Gengis Khan.

L’armée mongole est très bien équipée. Par exemple l’arc à double courbure peut envoyer des flèches à 300 mètres, à une cadence de 12 flèches à la minute (À la bataille de Friedland en 1807, Napoléon se heurtera à des archers mongols enrôlés par le Tsar !) Et les guerriers s’encouragent mutuellement en se racontant leurs prouesses passées.




LA CAMPAGNE CONTRE LES JIN

Le nouveau souverain Jin est un personnage falot qui débute son règne dans la mollesse. Bonne occasion pour le khan de l’insulter sans que l’autre ne réplique. En 1211, suivant l’adage que « en toute chose la préparation assure le succès comme l’imprévoyance entraîne l’échec », Gengis Khan convoque une « assemblée générale » de ses vassaux qui viennent en masse faire allégeance. Or l’alliance de ces princes représente un événement d’importance car leurs territoires contrôlent les voies de la route de la soie. Grâce à ces pistes, la Chine importe tapis, mousselines, armures et lames de sabre parfaitement trempées et ouvragées par les damasquineries du Moyen Orient.

Avant d’entamer la campagne, le Khan demande la protection du Dieu-Ciel. Il se rend sur les pentes du Burqan-Qaldun pour y faire les dévotions rituelles : il se prosterne à trois reprises et déclare : « Ô Éternel Tengri, si tu m’approuves, prête-moi d’en haut le secours de ton bras, ordonne qu’ici-bas les hommes et les génies s’unissent pour m’assister ».



Mais attention : les Chinois peuvent aligner une armée de 500 000 hommes, sans compter la gigantesque ligne de défense que constitue la Grande Muraille. Gengis Khan lance son armée de 100 000 cavaliers à travers des territoires semi désertiques, négocie des pourparlers secrets avec le chef des Onggüts qui trahit Pékin. Dans la capitale impériale, c’est la stupeur. Le commandement chinois dépêche des troupe. Au nord du Fleuve Jaune, un affrontement a lieu : c’est la bataille de Ye Hu (les sommets des renards sauvages). Les troupes impériales perdent de très nombreux soldats. Des défections se produisent : en six mois, la partie nord du territoire Jin est abandonnée. Des régions entières sont mises à sac par l’envahisseur qui s’intéresse uniquement au butin et aux captifs.

Les Mongols arrivent en vue de Liaoyang, la « capitale orientale ». C’est l’hiver, et les chevaux ne trouvent plus guère à se nourrir. Alors les Mongols ont recours à un stratagème : le général Djèbè fait mine de reculer précipitamment devant les murailles ennemies. Les troupes chinoises sortent de la ville, pillent les alentours et fêtent le nouvel an lunaire. Après une extraordinaire chevauchée durant vingt-quatre heures, le général mongol fait irruption en pleine nuit dans la ville.

Mais se produit une catastrophe pour  les Jin : une rébellion de 100 000 hommes se rallie aux Mongols, qui sont pour le moment incapables d’installer en Chine une véritable occupation militaire. Il faut d’abord franchir la Grande Muraille, longue de 6 000 kilomètres. La hauteur de ses murs atteint  huit mètres ; ça et là sont construites des tours de guet reliées par signalisation optique (fanions codés) ou sonores (roulements de tambour). Djèbè en franchit une porte, feint de reculer et tend une embuscade aux troupes Jin qui sortent de leurs postes : la route de Pékin est ouverte : plus que 30 kilomètres. Inexpérience, indécision et lenteur sont les raisons majeurs de l’État-major Jin, qui n’a pas médité le dicton chinois selon lequel « la force d’une flèche décochée d’un arc puissant s’épuise à la fin de sa portée ».

Les envahisseurs dépassent Pékin, pillent la région agricole du Fleuve Jaune, semant les ténèbres de la mort et de la désolation. Les habitant sont lancés dans des opérations suicides contre les remparts des cités Jin. C’est l’exode … Une à une les villes tombent aux mains des Mongols qui les ont affamées. L’étau se referme lentement sur une Chine passive. Gengis Khan préfère négocier son retrait avec le nouveau souverain de Pékin. Il réclame un butin énorme, plus des chevaux, plus des jeunes gens et des jeunes filles. Il obtient le tout et recule provisoirement. À Pékin, c’est une atmosphère de fin de règne. Le nouveau roi, Utubu, quitte la Cour pékinoise.

L’année suivante, Utubu tente de reprendre pied à Pékin. Gengis Khan annule ses offres de paix et envoie 3 000 Mongols qui se heurtent aux 39 000 soldats jin commandés par un général ivre.  Pékin est en proie à la famine, capitule et est livrée à la sauvagerie des pillards L’odeur des cadavres devient pestilentielle alors que la ville devient la proie des flammes et est envahie par les rats. Gengis Khan n’en a que faire ; il fait récupérer le trésor impérial par son frère adoptif.

Un million d’immigrés reflue vers le sud et sont décimés par l’armée jin.qui n’en finit pas de se réorganiser. Gengis Khan propose des négociations humiliantes qui sont refusées : c’est à nouveau la guerre. Les campagnes sont à feu et à sang, mais les grandes villes fortifiées résistent quand même.

En 1217, Gengis khan (qui a alors soixante ans) n’occupe pas réellement la Chine, mais il a réussi à la mettre à genoux. Ses hommes de la steppe découvraient la civilisation chinoise, d’un pays immensément peuplé. Tèmudjin fait la connaissance de Yelü Chu-Kai. Qui est Yelü Chu-Kai ? C’est un aristocrate de grande culture, issu d’une famille Khitan, anciens nomades sédentarisés et ayant servi la dynastie jin. avant d’être chassé du pouvoir par les Ruzhen. Mais il a été confirmé à un poste élevé par le roi Utubu, donc au courant des affaires politiques. 


Au lendemain du sac de Pékin, il s’est retrouvé captif et présenté à Gengis Khan. Celui-ci veut lui faire accuser les Ruzhen. L’autre lui répond que sa famille a servi la dynastie jin avec une absolue fidélité et qu’il lui est difficile de changer d’attitude en changeant de maître. Gengis Khan est séduit par le loyalisme de son interlocuteur et se l’attache à sa Cour. Yelü Chu-Kai arrive à modérer la barbarie de Tèmudjin et de ses lieutenants : « Loin de détruire les villes, il faut après en avoir abattu les fortifications les encourager à se développer car elles constituent des sources de richesse ».



Mais l’empire mongol est maintenant au contact avec le monde islamique, avec qui Gengis Khan cherche à négocier. Or le dirigeant de l’Ouzbékistan + l'Iran (le Kharezm) le traite avec mépris et fait assassiner son ambassadeur. Gengis Khan réunit alors une arme de 150 000 cavaliers, des artificiers, des tours roulantes, des bombardes à grenaille métallique … Les unes après les autres les villes capitulent et sont systématiquement pillées et leurs habitants réduits au mieux à l’esclavage. 

En février 1220, Boukhara est en vue. Gengis Khan fait donner l’assaut par les captifs. Les chroniques persanes et arabes ont immortalisé le massacre : « Ce fut un jour affreux, on n’entendait que les sanglots des hommes, des femmes et des enfants séparés pour jamais, les troupes mongoles se partageant la population ». Un gigantesque incendie marque la fin de la tragédie.

Samarkand


Pour tout savoir (ou presque) sur l'Ouzbékistan :

http://caucasekersco.blogspot.fr/2018/05/grandeur-de-louzbekistan.html

Puis Gengis Khan marche contre Samarkand, ville chargée d’histoire. Sa prospérité repose sur son système d’irrigation perfectionné. Découvrant un système de défense imposant, il préfère attendre des renforts. En attendant, il déguise ses captifs en guerriers mongols et les fait attaquer, puis leur fait prendre la fuite. Il contre-attaque ensuite les mercenaires turcs qui étaient sortis de Samarkand. Les survivants, qui avaient été mal payés, désertent. Pris en captivité, ils sont tous massacrés pour leur félonie ! Les habitants les plus capables sont déportés en Mongolie, et une bonne partie de la ville est la proie des flammes.

C’est le tour d’Ourghentch, capitale de l’Ouzbékistan. Après avoir démoli certains remparts par des billes de bois de murier faute de pierre, des commandos mongols pénètrent dans la ville. Mongols, Persans, Turcs, tous se rejoignent dans la mort. à la fin d’un siège de six mois. Les Mongols tuent les derniers habitants et ouvrent les digues : l’Amour Daria submerge la ville.

Et pourquoi pas l’Iran ? Les Mongols s’emparent de la ville sainte de Meched...


Ville après ville, les Mongols poursuivent leur invasion. Abu al-Hasan Ali 'izz al-Din est un historien arabe sunnite. Son œuvre principale est Al-Kamil fi al-Tarikh, considérée comme l'un des plus importants livres d'histoire du monde musulman. Dans son « Histoire complète », il relate : « Les événements que je vais raconter sont si horribles que pendant des années j’ai évité d’y faire allusion. Il n’est pas facile d’annoncer que la mort s’est abattue sur l’Islam ». Toujours est-il que Gengis Khan, sans doute fatigué de sa soif de puissance, prend du temps à Boukhara pour se renseigner sur l’Islam et demande à assister à des prières dans une mosquée. Il rencontre deux Turcs qui s’efforcent de le convaincre de l’intérêt d’une bonne administration, en lui exposant les avantages d’une agriculture prospère.

Par ailleurs les Mongols ne sont plus assez nombreux pour gérer d’aussi vastes territoires conquis en si peu de temps. Il font donc appel à des conseillers locaux. Gengis Khan prend un peu de repos et son lieutenant Djèbè poursuit la conquête de l’Arménie, de la Géorgie, de la Russie. Devant l’ampleur des troupes russes, les cavaliers nomades paraissent d'abord reculer, et attirent l'avant garde russe en un lieu qui leur sont favorable.


C'est la bataille de la Kalka. Les Russes n'ont pas suffisamment d'archers pour s'opposer à la charge des Mongols, qui "visitent" ensuite le royaume bulgare avant de revenir en Russie en 1237, dix ans après la mort de Gengis Khan...

En 1223, au cours d'une chasse au sanglier, Gengis Khan fait une chute de cheval, et est transporté sous sa tente dans un état grave. C'est que l'âge se fait sentir, après six années de conquêtes. Il fait une seconde chute de cheval, ce qui ne l'empêche pas d'aller faire la guerre dans l'empire des Xixias, avec le mot d'ordre de ne rien épargner : ni poule, ni chien !

Mais Gengis Khan doit livrer son dernier combat, contre la mort. Une immense partie de l'Eurasie est sous le choc des invasions mongoles. La ténacité et l'ambition de ce Chef, ses indéniables qualités de meneur d'homme et de stratège en font un génie politique et militaire.





Difficile de porter un jugement a posteriori sur un homme aussi exceptionnel : guerrier, amateur de femmes, accumulateur de butin, rassembleur de conseillers, unificateur, mauvais génie, nationaliste, ou le tout à la fois ?





ÉPILOGUE

Par deux fois, une expédition archéologique française, avec un matériel perfectionné,  a tenté de retrouver des traces de la tombe de Gengis Khan. au sommet de ce mont sacré de Burqan-Qaldun, lieu de prière ancestral des Mongols à Tengri, le Dieu ciel.

Il fallait être discret, ne toucher à rien, pour ne pas choquer les croyances mongoles toujours aussi vivaces. Tombeau de Gengis Khan ou tombeaux des souverains mongols ?