LE POUVOIR DE LA COLÈRE 2

Un ashram
Création le 14 février 2018
et suite de l'article précédent

5 - NE VOUS EMBARRASSEZ PAS DE MENSONGES

Un jour, à la clinique de  Poona où est allé son grand-père, le jeune Arun Gandhi prend son petit-déjeuner avec Jawaharlal Nehru, qui va devenir le premier Premier minister de l’Inde indépendante. Il veut manger comme Nehru, une omelette. Mais Nehru sait que l’œuf n’est pas recommandé dans la famille Gandhi. Il veut avoir le consentement du grand-père.

Arun lui répond qu’il en a déjà mangé. Nehru veut quand même l’accord de Bapuji. Arun se précipite et dit à son grand-père qu’il en a déjà mangé en Afrique du Sud. Gandhi lui accorde alors la permission. Gros mensonge, que Gandhi cherche à vérifier auprès des parents d’Arun, et le convoque. Celui-ci bafouille qu’il pensait que dans les gâteaux qu’il avait mangés alors, il devait y avoir des œufs …

Bapuji digère l’information, puis se met à rire bruyamment :
- Tu feras un bon avocat, mon fils. J’accepte ton explication. Maintenant, file, va jouer.

La leçon de cette histoire : "Beaucoup de gens (les enfants comme les adultes) ont recours au mensonge quand ils se sentent impuissants, partant du principe que le mensonge les mettra en position de force".

Cela a rappelé à Gandhi que lorsqu’il avait douze ans, Ses parents lui avaient interdit la viande et la cigarette. Bien entendu il avait fumé et mangé de la viande. Finalement, il avait écrit une lettre d’excuses à son père qu’il lui avait donnée sur son lit d’hôpital, et le père lui avait pardonné.

Il y a un parallélisme entre le mensonge et l’ahimsa. Ce concept est une des vertus cardinale de l’indouïsme et du bouddhisme : nous ne devrions jamais faire quoi que ce soit pour nous blesser nous-mêmes ou pour blesse autrui. Bapuji disait que c’est son dévouement à la Vérité qui l’a guidé vers la politique.

Les gens parlent avec beaucoup d’admiration de la Marche du Sel qu’il a lancée en 1930. De quoi s’agit-il ? Les Indiens avaient interdiction de récolter le sel, ils devaient l’acheter au prix fort aux Britanniques. Gandhi écrit au Vice-roi pour demander l’abolition de cette taxe (cf la gabelle !). Le Vice-roi lui a répondu qu’il fallait respecter la loi !



Gandhi a alors annoncé son intention de marcher quatre cents kilomètres vers la mer d’Arabie et de recueillir symboliquement du sel. Il choisit pour l’accompagner une dizaine de personnes, qui deviennent vite des dizaines de milliers. Quand il a atteint le rivage, il a déclaré : « Avec ce sel, j’ébranle les fondements de l’empire !». Pour cette déclaration qui a fait le tour du monde, il a été emprisonné avec des dizaines de milliers de ses partisans, à la limite de la capacité des prisons.

"Décider de renoncer au mensonge et de suivre la Vérité peut changer votre vie - et peut-être aussi votre pays".

6 - LE GÂCHIS EST UNE FORME DE VIOLENCE


Un jour, Arun voit un beau crayon dans la vitrine d’un magasin




 il jette le sien presque usé dans un buisson au bord de la route et en demande un neuf à son grand-père. Celui-ci le pousse à aller retrouver le vieux crayon. Il lui explique pourquoi :
- Quand nous consommons les ressources du monde en trop grand quantité, elles deviennent encore plus rares pour les autres.

Mieux : il demande à Arun de dessiner l’arbre généalogique de la violence, avec deux branches : l’une pour la violence active et physique, l’autre pour la violence passive, de celle qui blesse les autres. Avec l’observation suivante :
- La violence passive est le carburant qui nourrit le feu de la violence physique dans le monde. Si nous voulons éteindre l’incendie de la violence physique, il faut interrompre l’approvisionnement en carburant ».


Exemple : les supermarchés qui jettent la nourriture, le non recyclage d’emballages plastique et aluminium. De plus Gandhi a mobilisé toute sa famille pour fabriquer une nouvelle maison. 

 

Que dire aussi des nourrissons qu’on abandonne, alors que des parents sont prêts à les adopter, pour peu que Gandhi et son épouse s’appliquent à rechercher ces futurs parents …

Le gâchis ultime est de gaspiller son temps, ce qui a fait dire à Gandhi : « Le temps est trop précieux pour être gaspillé ».

7 - SOYEZ UN PARENT NON VIOLENT


Un jour, des parents viennent voir Bapuji avec Anil, leur enfant de six ans, qui mange trop de bonbons en cachette, ce qui le rend malade. Gandhi leur dit simplement de revenir dans deux semaines. À leur deuxième visite, Gandhi parle à l’oreille du petit, et ils se tapent dans la main. C’est tout. Et le petit cessera de manger des bonbons et recouvrera sa santé.

La mère est persuadée qu’il a fait un miracle.
- Ce n’était pas un miracle. Il fallait que d’abord moi-même j’arrête de manger des bonbons, avant de lui demander d’en faire autant. Quand vous êtes revenue avec lui, je lui ai dit que j’avais arrêté les bonbons depuis votre première visite, et je lui ai demandé s’il était capable d’en faire autant, s’il voulait bien essayer ».

Beaucoup de parents parlent de limiter le temps que leurs enfants passent devant les écrans, mais ensuite ils décrochent eux-mêmes leur smartphone au lieu de passer du temps avec leur famille. Ils oublient que les enfants apprennent en observant la façon de vivre des adultes.

Et Arun passe en revue les enseignants  qui frappent les élèves, les parents qui humilient publiquement leur progéniture : tous envoient un message de conflit, or les enfants s’épanouissent quand ils sont respectés. Quand les enfants d’Arun on voulu que l’on fête leurs anniversaires, ceux-ci ont été fêté dans des orphelinats, pour permettre un partage des bons moments. En allant à Memphis, il a enseigné à des enfant à devenir de bons médiateurs. Ceux-ci ont retenu la leçon à merveille, à la stupéfaction de leurs parents.


L'épouse d'Arun Gandhi

Quand Arun vivait aux États-Unis sur un campus universitaire, son épouse et lui invitaient souvent des étudiants à venir chez eux parler de non-violence. Et surtout les étudiantes appréciaient ces contacts qu’elles n’avaient pas avec leurs propres parents.

La tradition hindoue des vœux se traduisait par le renoncement à quelque chose pendant un certain temps. La mère de Gandhi avait fait le vœu de ne pas manger avant le retour du soleil. Or le soleil avait été masqué pendant plusieurs jours par des nuages sombres. Elle avait jeuné pendant tout ce temps-là ! Un tel vœu peut paraître étrange, mais il forge la volonté de ceux qui en sont capables …

Arun termine le chapitre par une histoire :

Un roi veut éduquer son fils et l’envoie dans le monde. À son retour, il lui demande :
- As-tu appris à connaître l’inconnu et à comprendre l’incompréhensible ?
- Non, car c’est impossible.

Alors le roi coupe une figue en deux, et demande à son fils de couper une graine. Elle si petite que le  fils estime que c’est impossible, qu’il n’y a rien dedans.

Réponse du roi :
- De ce rien, de ce que tu considère comme n’étant que néant, un arbre immense peut émerger. Ce « rien » est la graine de la vie. Quand tu auras appris quel est ce néant, ton éducation sera faite.

8 - L’HUMILITÉ EST UNE FORCE


Beaucoup de gens venaient rendre visite à l’ashram de Sevagram, où a résidé Gandhi jusqu’à sa mort. Un jeune homme, docteur à la London School of Economics, explique pendant une demi-heure comment il entend changer l’économie du pays et lui demande sa bénédiction.
- Il va falloir que tu la gagnes, ma bénédiction.
- Que voulez-vous que je fasse ?
- Joins-toi à nous et va nettoyer les toilettes de l’ashram.
- J’ai un doctorat et vous voulez que je perde mon temps à nettoyer des toilettes ?
- Oui, si tu veux ma bénédiction.


Le lendemain :
- J’ai fait ce que vous m’avez demandé. Maintenant, donnez-moi votre bénédiction.
- Pas si vite. Tu obtiendras ma bénédiction quand je serai convaincu que tu nettoies les toilettes avec autant d’enthousiasme que tu veux transformer l’économie du pays.


Bapuji se disait que si ce jeune homme désirait sincèrement transformer l’économie du pays, il fallait qu’il tienne compte de l’existence des plus pauvres. L’humilité n’est pas un signe de faiblesse ni de soumission. Gandhi pensait que ceux qui parlent le plus fort sont ceux qui ont le moins à dire. « Ce sont les tambours vides qui font le plus de bruit ».

Il donne une leçon à Arun en lui demandant de démonter son rouet à filer le coton. Puis de le remonter, mais il subtilise une ficelle faisant partie du rouet. Étonnement d’Arun : « Mais cette ficelle est indispensable. » Réponse de Bapuji : «Tout comme cette petite ficelle est nécessaire au bon fonctionnement du rouet, chaque individu est partie intégrante de la société. »

Les guerres sont produites par des dirigeants arrogants qui veulent étendre leur pouvoir et supprimer ou conquérir leurs voisins. Le terrorisme est commis par des gens qui se sentent abandonnés ou oubliés. Quand nous opprimons les gens, nous choisissons de ne pas voir leur valeur. Quand nous avons vraiment confiance en nous, nous apprécions les talents et les compétences des autres.



Pendant la guerre de Boers, Gandhi a rassemblé un grand nombre d’Indiens pour devenir infirmiers pour soigner les blessés, qu’ils soient Zoulous ou Britanniques. La véritable richesse ne vient ni de l’argent, ni de la domination, mais de la reconnaissance de la dignité de chacun. Aux « sept péchés sociaux » de Gandhi, Arun en a ajouté un huitième, fondamental : « Les droits sans responsabilité ».

Un éducateur indien, Bunker Roy, champion de squash, au lieu d’enseigner la lecture et l’écriture, a enseigné à des femmes pauvres  et illettrées des connaissances d’ingénierie photovoltaïque. Leur réussite a été phénoménale : elles ont installé l’électricité dans leurs villages.

Arun cite également le docteur Singh qui a transformé plus de mille kilomètres carrés de terre aride en paradis agricole, par une gestion totalement écologique des eaux de pluie.

Enfin, une citation de son grand-père : « D’abord ils vous ignorent, ensuite ils se moquent de vous, ensuite ils vous combattent, et seulement après vous gagnez ! »