Création le 25 décembre 2015
SHIVAJI, le roi hindou vainqueur de l’Empire Moghol
"Lorsque Shivaji Bhonsle nait en 1627, l’Empire moghol étend sa domination sur presque toute l’Inde, et l’hindouisme est sur le point de disparaître face à l’Islam qui lui porte des coups très durs par une politique d’intolérance systématique.
Shivaji, un Marathe (peuple indo-aryen du Deccan), va œuvrer toute sa vie à rééquilibrer les forces en présence. Il entre en lutte à la fois contre l’empereur moghol Aurangzeb et les sultanats musulmans indépendants d’Ahmedagar et de Bijapur. Il bat les troupes de Bijapur en 1659, ravage plusieurs grandes villes, prend le titre de Raja en 1664, force l’empereur à s’allier avec lui contre Bijapur en 1665, séjourne un moment à sa cour avant de s’enfuir, pressentant qu’il va être assassiné. Il se fait solennellement sacrer roi en 1676. Ses dernières années sont marquées par une lutte inexpiable contre les Moghols.
Chef de guerre remarquable, que l’on pourrait comparer aux plus grands par son sens de la stratégie et sa rapidité dans la manœuvre, c’est aussi un administrateur hors pair qui construit de toutes pièces un État moderne et suffisamment puissant pour tenir tête à l’empire moghol. À sa mort prématurée - cinquante trois ans - il règne sur un territoire deux fois plus étendu que la France de Louis XIV. Shivaji aura ébranlé l’empire des Moghols, rendu confiance et dignité aux Hindous et empêché la dissolution de leur civilisation dans l’Islam."
Telle est la dernière de couverture du livre écrit par Jean-Marie de Beaucorps, appelé à participer à la fin de la guerre contre le Japon ; il est conquis par l’Extrême Orient, qu’il ne quittera plus pendant cinquante ans. Rentré en France depuis 1996, il a continué d’effectuer de longs séjours dans le Sud-Est asiatique et en Inde, dont il est un spécialiste.
Mais d’abord qui sont ces fameux Moghols ?
L'Empire moghol est fondé en Inde par Bâbur, le descendant de Tamerlan, en 1526, lorsqu'il défait Ibrahim Lodi, le dernier sultan de Delhi à la bataille de Pânipat.
Le nom « Moghol » est dérivé du nom de la zone d'origine des Timurides, ces steppes d'Asie centrale autrefois conquises par Genghis Khan et connues par la suite sous le nom de Moghulistan : « Terre des Mongols ». Bien que les premiers Moghols aient parlé la langue tchaghataï, et conservé des coutumes turco-mongoles, ils avaient pour l'essentiel été « persanisés ». Ils introduisirent donc la littérature et la culture persanes en Inde, jetant les bases d'une culture indo-persane.
L'empire moghol marque l'apogée de l'expansion musulmane en Inde. En grande partie reconquis par Sher Shâh Sûrî, puis à nouveau perdu pendant le règne d'Humâyûn, il se développe considérablement sous Akbar, et son essor se poursuit jusqu'à la fin du règne d'Aurangzeb. Après la disparition de ce dernier, en 1707, l'empire entame un lent et continu déclin, tout en conservant un certain pouvoir pendant encore 150 ans. En 1739, il est défait par une armée venue de Perse sous la conduite de Nâdir Shâh. En 1756, une armée menée par Ahmad Shâh pille à nouveau l'empire Moghol.
Après la révolte des Cipayes (1857-1858), les Britanniques exilent Bahadur Shah Zafar, le dernier empereur moghol.
-> Texte extrait du site suivant, qui contient aussi quelques belles illustrations :
http://www.legrandtour.fr/fr/module/99999672/171/la-dynastie-moghol
On regardera aussi avec intérêt la série de vidéos :
Et maintenant qui est Shivaji ?
Ce jour-là, j’ai commencé d’aimer les Marathes, ces frères lointains, et depuis, plus je les ai connus, plus je les ai aimés. Et ils m’ont fait découvrir Shivaji. Non pas le Shivaji des historiens, mais le Shivaji de leur peuple tel qu’il est raconté par les chansons « épiques » du terroir.
C’est ce personnage fascinant que j’aimerais vous faire découvrir … »
*******************************
D’abord quelques remarques essentielles :
Depuis 1948, date où la péninsule indienne se fractionne en 5 États, par le vocable « Inde », il faut entendre l’Union indienne et non plus la péninsule indienne.
Le vocable « indien » désigne seulement les habitants de l’Union indienne, tandis que le mot « hindou » désigne, lui, les individus de religion et de culture hindoues.
La péninsule indienne présente l’aspect d’un vaste triangle, pointe vers le sud. Elle est « encagée » dans la mesure où elle n’est atteignable que par la mer ou, sur terre, par quelques passes débouchant au nord-ouest d’un plateau inhospitalier. Au nord, dans sa partie la plus large, la péninsule couvre 3 000 km; et dans le sens nord-sud, elle couvre 2 500 km.
En 3000 avant notre ère, trois grandes civilisations se partagent le monde : la civilisation égyptienne, la civilisation sumérienne et la civilisation de l’Indus.
http://empirkersco.blogspot.fr/search/label/a%2045%20-%20LA%20CIVILISATION%20DE%20L%27INDUS
À la même époque, dans les grandes steppes du centre de la Russie, errent les Aryens, peuplades nomades qui ont développé les fondements de la civilisation hindoue à venir. Ils travaillent le fer, harnachent le cheval et conçoivent la roue à rayon, qui remplace la roue pleine. Dès 1600 ,les Aryens dévalent vers l’Indus. Le choc est rude. le résultat est le développement d’une caste, celle des prêtres, les brahmanes ; en réaction, apparaissent deux schismes dont le plus important est le bouddhisme qui connaît un succès spirituel important en Asie.
Alexandre le Grand, après avoir conquis la Perse, envahit l’Inde en -327 et trouve en face de lui de nombreux royaumes anarchiques. Après son passage, et malgré l’anarchie qui règne toujours, la péninsule reste d’une prodigieuse richesse … et suscite l’envie de tous ceux qui viennent à la connaître.
Mais un événement d’une importance planétaire se produit dès 622 : c’est l’hégire : le Prophète Mahomet a fui la Mecque avec quelques fidèles et a rejoint Médine. L’avalanche arabe qui va suivre est inégalée dans l’Histoire et pille à qui mieux mieux la vallée de l’Indus. Du XIIIème siècle au XVIème siècle, des hordes d’envahisseurs (et surtout les Moghols) venus des grandes steppes de l’est ravagent tout sur leur passage. Si Gengis Khan n’a pas le temps de s’attaquer à l’Inde, son petit fils Tamerlan envahit le nord de la Péninsule en 1398. Il entasse des milliers de têtes en de monstrueuses pyramides.
Mais l’étendard de la résistance hindoue est levé. Suivent deux siècles de luttes inexpiables, à commencer par les musulmans qui torturent et massacrent, font écraser les foules par des éléphants spécialement dressés … La réaction ne se fait pas attendre : le royaume de Vijayanagar ("La ville de la Victoire »), qui devient immensément riche, se livre également à des massacres de musulmans, construit des forts et crée une armée redoutable : un million d’hommes, trois cent mille chevaux, six mille éléphants. Mais la décadence fait son œuvre : à la bataille de Talikota, une des plus grandes batailles de l’histoire, en 1565, les combattants de Vijayabagar seront tous massacrés. À leur tour, les sultanats entrent en décadence et partout le désordre règne.
***********************************
Un jour, un certain Maloji est en embuscade dans son verger, pour surprendre les voleurs de fruits. Le soir, il entend un léger frémissement de terre déplacée, c’est un énorme cobra qui sort de son trou. Maloji se souvient de la légende selon laquelle les anciens, lorsqu’ils étaient menacés par les guerriers ou les pillards, enterraient leurs trésors qu’ils faisaient veiller par des cobras spécialement dressés à ce rôle de gardien.
Maloji rentre chez lui et, dès le jour levé, accompagné de son frère Vinoji et de deux serviteurs de confiance, il revient au verger. En creusant, ils trouvent sept grosses jarres remplies de pièces d’or. Maloji et Vinoji sont subitement devenus riches, très très riches, de l’ordre de 5 millions de dollars ! Maloji fit savoir qu’il recrutait. Il constitue un corps d’élite d’un millier d’hommes en quelques semaines s’associe avec une autre bande et joue au Robin des Bois. Sa petite armée atteint trois mille hommes, et Maloji guerroie pendant une dizaine d’années … au service du sultanat d’Ahmadnagar.
*********************************
Maloji a un fils, Shaji, dont le cœur est plein de rêve de conquête, de puissance et de fortune. En 1620, il épouse une copine d’enfance, la belle Jija Bai. Il y a trois sortes de mariages en Inde : soit le père donne sa fille à l’époux, soit l’époux achète la fille à son père, soit les deux jeunes gens se marient plus rarement par consentement mutuel : c’est le gandharva. Shahi devient un des officiers les plus puissants du sultanat et un des plus compétents. Il reçoit la mission de repousser les Moghols qui se font de plus en plus pressants sur les frontières nord du sultanat. Il en devient le premier général.
Mais le sultanat décline, le sultan est assassiné par un esclave ivre. Shaji démissionne et se réfugie dans le fort de Shiver. En 1631, c’est la grande famine due à la sécheresse. Un père jésuite qui parcourt la région n’hésite pas à écrire que la plupart des rescapés n’ont du leur salut qu’à la pratique du cannibalisme. Shahi se tourne alors vers les Moghols, qui ne donnent pas suite. Mais, sans hésiter, le sultan Muhammad se prend d’amour pour Shaji . Les Moghols écrasent l’armée de Shaji et deviennent les maîtres du Deccan. Shaji termine sa carrière en seigneur de Bangalore où il règne pendant vingt cinq ans.
![]() |
Bangalore |
En 1627, Jija donne un fils à Shaji, et l’appelle Shivaji. La légende relate que, tétant le sein de sa mère et s’étant agrippé à son corsage, il fut impossible de lui faire lâcher prise et qu’il fallut découper le vêtement de Jija pour la libérer ! Garçonnet de trois ans, il est déjà un chef. À sept ans, il est un cavalier émérite. Reste le problème des castes …
La première caste est celle des Brahmanes. Les princes guerriers (ksatriya) appartiennent à la seconde. La troisième comprend les artisans et les commerçants (vaishya). Quant aux sudra, ils font partie de la quatrième caste, ce sont les paysans. Cette question des castes n’est pas fondamentale à Maharashtra, contrairement aux autres régions de l’Inde, parce que l’immense majorité de la population est constituée de paysans et que les trois autres castes ne sont représentées que par des minorités infimes.
Alors Jija ne dit pas à son fils qu’il est un paysan ? Parce que Jija a une vision prémonitoire du futur de Shivaji et que certains de ses grands ancêtres étaient bien ksatriya, et qu’il peut donc accéder à la royauté. Dans sa mission d’éducation, Jija sera aidée par la richesse philosophique des textes et de la littérature qui constituent les assises des cultures indoue et marathe. Jija est une conteuse accomplie, Shivaji un auditeur attentif et passionné.
L’Islam régnait depuis plus de trois siècles sur l’Inde, et il aurait été déraisonnable de l’ignorer. Il fallait donc trouver un compromis permettant de « vivre ensemble ». Mais le musulman régnait, tout puissant, et tout autre devait plier devant lui. Quoiqu’il en soit, Shivaji n’envisagea jamais l’éradication complète de l’Islam. Au contraire, il respecta ses sages et ses lieux de prière, tout en affirmant qu’un musulman doit avoir les mêmes droits et devoirs qu’un hindou. Mais son caractère guerrier s’attaqua à ses homologues guerriers musulmans.
Il se fie à son instinct : seule l’ action peut résoudre le problème et pour lui déjà se dessine la solution, la seule solution possible, une solution « finale » : il faut chasser les musulmans et éradiquer l’Islam de l’Inde. Mais auparavant il s’intéresse à la stratégie des Moghols qui ont à leur disposition une richesse immense : l’Inde, qui peur rapporter plus que les plus juteux pillages. Après avoir rétabli l’ordre, ils ont imposé un système fiscal juste et simple, qui va leur assurer un revenu agricole régulier et colossal. Mais c’est un colosse aux pieds d’argile : la société mongole paie le prix de ses richesses ; elle ne génère plus les élites qui lui sont indispensables.
D’un autre côté, Dadaji enseigne à son fils Shivaji l’importance d’un bon service de renseignements, et lui donne un professeur de stratégie anciennement au service des Moghols, Donde, spécialisé dans l’usage de l’artillerie. Les experts travaillent le poids des canons, la standardisation des calibres et la traction des pièces. Vers 1460, tous les éléments étaient réunis pour que l’artillerie de campagne mobile trouve son essor.
Donde ne s’intéresse pas à la Renaissance de la France, mais à son artillerie. Il supplie Shivaji d’acheter des canons français, et de s’assurer les services d’artilleurs français. Pour Donde, la bataille de Ravenne (1512) est la première de l’espèce : Gaston de Foix donne l’ordre au duc de Ferrare de porter son artillerie au grand galop à l’extrême droite de la ligne de combat, prendre en enfilade l’infanterie espagnole, qui est écrasée. Donde crée aussi un service de pièces détachées unique au monde. Shivaji comprend que l’avenir n’est plus aux cavaliers mais aux fantassins appuyés sur une artillerie de qualité. Et il peut compter sur les Marathes, des fantassins exceptionnels, qui s’illustreront jusque dans les deux guerres mondiales. Dans les instants périlleux, le mot d’ordre des généraux anglais était « Faites donner les Marathes ».
Dadaji s’est aussi entouré d’agents secrets, les « ombres » et les « solutionneur » rangés en quatre départements : « l’oreille à l’écoute », « l’œil aux aguets », le « commérage » et le département des « solutionneurs ». Par exemple, une des activités principales des solutionneurs est de se procurer un exemplaire de toutes les nouvelles armes achetées par les Moghols. Il y a aussi l’affaire des éléphants blindés. Les Moghols sont enthousiastes quand ils découvrent l’éléphant de guerre. Mais c’est une arme à double tranchant, par exemple quand il est blessé à la trompe. Il peut alors devenir fou. De lourdes plaques d’acier protégeaient mal les bêtes, des cotes de maille parsemées de plaques d’acier font mieux l’affaire, surtout si l’éléphant est surmonté d’une tourelle blindée qui abritent des archers d’élite. Sur les trois en expérimentation, les solutionneurs en dérobèrent un !
Il fallait donc créer une forte armée, dès que le jagir de Pune, le petit royaume de Shivaji serait riche. Dans ce but, et secrètement, Dadaji entraine une milice qui deviendra le noyau de l’armée des Marathes. Shivaji, lui, va dans le Maval, une région montagneuse dont les habitant sont de rudes guerriers. Escalades en montagne, entraînement dans la jungle, la bande de Shivaji se met à piller, ce qui est une coutume couramment admise, mais pas par Dadaji, qui veut ramener Shivaji à l’ordre, mais en vain. Shivaji se met alors à réfléchir ; la condition de bandit ne le satisfait pas ; s’allier aux Mogols est insuffisant pour ses ambitions. Début 1645, Shivaji atteint sa majorité. Il propose à son père de continuer à administrer le jagir de Pune et de lui rattacher le Maval. Tout le monde est satisfait et en un mois le plan est au point. La plupart des habitants du Maval se rallient à l’idée de profiter du train de réforme qui amène la prospérité au agir de Pune. L’ensemble finit par devenir un fief puissant avec pour objectif de devenir un grand royaume.
Pune ou Poona (marathi : पुणे) (autrefois nommée Punvadi) est la deuxième ville de l'État indien du Maharashtra avec 3,75 millions d'habitants (les Punekaris), qui dans leur grande majorité parlent le marâthî. Elle est la septième plus grande métropole d'Inde.
Elle est considérée comme la capitale culturelle de l'État et elle possède une université, des facultés et centres d'enseignements renommés1. Elle est l'ancienne capitale de l'empire marathe.
![]() |
Pune |
Il s’intéresse aussi à la zone côtière pour contrôler le trafic maritime jusqu’alors aux mains des étrangers. La réussite d’une telle politique pourrait assurer à l’État marathe des revenus considérables, et pour cela il faudrait créer une flotte. Tout cela est insensé, Shivaji n’est qu’un petit seigneur, mais cela va marcher, tout au moins en partie.
Pour commencer, il faut un budget, qui sera alimenté par le pillage « contrôlé » car une armée qui pille échappe rapidement à la discipline. Donc les tueries, les tortures et les viols sont proscrits. Les objectifs sont limités aux villes (fonctionnaires et notables). Un corps d’officiers, au départ hétérogène, est unifié dans des centres d’études. La tactique des batailles frontales est repensée, car suicidaire, et une grande liberté de mouvement est donnée à des états-majors volants. Un code de discipline très ferme est établi. La création de forts est poursuivie avec le plus grand soin : le fort est le symbole même du peuple marathe.
Mais Aurangzeb, fils de l’Empereur des Moghols, après une incursion malheureuse en Afghanistan, est nommé vice-roi du Deccan, qu’il réorganise et dans lequel il veut consacrer de gré ou de force les hindous à l’Islam. Il va se heurter à Shivaji. Celui-ci, pour des raisons stratégiques, doit s’emparer de l’État de Javli. Il le fait en faisant assassiner son chef pendant les négociations ! Le bilan financier est considérable.
![]() |
Bijapur |
À la suite du décès du sultan de Bijapur, l’affrontement entre Aurangzeb le Mongol et Shivaji le Marathe devient inexorable. L e prétexte est le contrôle de Bijapur. L’armée d’Aurangzeb de 250 000 combattants est alourdie par ses « impedimenta ». Shivaji tente de négocier à contre-cœur, puis attaque avec une folle audace, et s’empare d’un butin considérable.
Aurangzeb éclate alors en une terrible colère. Il donne l’ordre de détruire l’État marathe naissant. Au début le harcèlement de Shivaji fait merveille, mais le général moghol Nasuri fonce de nuit sur le camp marathe avec 10 000 cavaliers. La surprise est totale et la défaite est lourde. Les grandes persécutions contre l’hindouisme sont annoncées.
![]() |
Aurangzeb |
Aurangzeb éclate alors en une terrible colère. Il donne l’ordre de détruire l’État marathe naissant. Au début le harcèlement de Shivaji fait merveille, mais le général moghol Nasuri fonce de nuit sur le camp marathe avec 10 000 cavaliers. La surprise est totale et la défaite est lourde. Les grandes persécutions contre l’hindouisme sont annoncées.
Mais la santé de l’Empereur des Moghols se dégrade, les intrigues de cour se multiplient. Shivaji sait que c’est le moment de négocier une trêve. Aurangzeb refuse puis accepte le principe et envoie à Shivaji cette missive : « Bien que vos offenses ne soient pas de celles qui méritent le pardon, je vous pardonne car vous avez manifesté votre repentance. », tout en le traitant de « fils de chien » dans une correspondance à l’un de ses gouverneurs.
Shivaji peut à nouveau s’intéresser à la plaine côtière le «Konkan». À son étonnement, il y trouve des colonies juives, syriaques, zoroastriennes, mais aussi les Portugais.En 1498, Vasco de Gama a débarqué à Calicut. La flotte arabe est d’abord victorieuse, puis défaite à Diu. Les Portugais s’installent pour longtemps à Goa.
http://empirkersco.blogspot.fr/search/label/a%2042%20-%20LES%20PORTUGAIS%20A%20GOA
À peine établis, ils montent vite un fanatisme religieux égal à celui des musulmans, pratiquent l’esclavage. Mais le Portugal n’est pas assez puissant pour asseoir ses conquêtes. L’extrême orient est l’espace de tous les trafics. Comme l’écrit de Beaucorps : « On brade la beauté d’un harem contre un diamant, l’étalon pur-sang contre une poignée de diamants, un bon esclave de Mozambique contre une poignée de girofles, un fin Abyssin pour deux sacs de poivre, enfin quelques mousquets ou canons contre beaucoup de sacs de poivre plus quelques soiries. » Shivaji prend des mesures draconiennes qui portent des résultats inespérés en moins d’un an et il crée une flotte côtière de cent navires en deux ans.
Shivaji s’intéresse beaucoup aux voyageurs, ceux qui viennent d’Europe ou de Chine. Mais il lui faut revenir à ses Marathes, car la succession de Shah Jahan est complexe : il est l’empereur le plus puissant du monde (il est plus connu par le Taj Mahal, construit en hommage à son épouse).
Il tombe malade, mais s’en remet. Aurangzeb s’attaque à l’armée impériale, prend le pouvoir et emprisonne son père Shah Jahan pendant huit ans jusqu’à sa mort.
Maintenant, le signal est clair : il faut éradiquer Shivaji. Bijapur trouve enfin un général qui n’a pas peur de l’affronter : Afsal. Celui-ci a un comportement barbare. pour financer son armée, il pille les temples hindous, et pour la population, il devient l’ennemi des dieux. Mieux : il commence à cauchemarder, et en prévision funeste de sa défaite, il fait exécuter ses soixante trois épouses en les précipitant du haut d’une falaise, accompagnées - excusez du peu - de toutes leurs servantes.
Shivaji est perplexe : doit-il se soumettre ? Mais, dans son sommeil, la déesse Bhavani, sa déesse préférée, lui promet la victoire. À malin, malin et demi. Afsal veut profiter d’une négociation pour l’assassiner ? Pourquoi pas ! Shivaji place sous sa tunique une cotte de mailles et sous son turban un casque, plus à sa portée un « scorpion », dague étroite et affilée. Et, aux trois lourds anneaux qui ornent sa main gauche, il fixe de fines lames d’acier, les « griffes du tigre », arme légendaire des seigneurs marathe. Il reçoit Afsal dans une tente hyper luxueuse.
Aussitôt arrivé, Afsal veut enfoncer son épée dans le flanc de Shivaji. Le combat tourne à l’avantage de Shivaji ; ses gardes achèvent Afsal en le décapitant. Les combats durent deux jours, le butin est immense, car Afsal s’est fait accompagner de son trésor. Les prisonniers bijapuris sont libérés avec un présent ! Mais les Marathes qui s’étaient ralliés à Bijapur seront foulés au pied par les éléphants de combat. La nouvelle se répand comme une trainée de poudre dans tout le Deccan.
![]() |
Fort de Panhala |
![]() |
Fort de Chakan |
Alors, il décide d’attaquer le vice-roi Shaista dans son palais ! À la nuit tombante. en passant par le harem. Le combat entre les deux hommes dans le noir absolu est furieux. À l’extérieur de la résidence, les cavaliers marathes sèment le désordre au point qu’un monstrueux éléphant de parade du vice-roi devient fou et écrase allègrement tentes, chariots et hommes qu’il rencontre sur son passage. La nouvelle de ce raid se répand dans tout le pays marathe et sème la consternation chez les Moghols.
À partir de 1608, des navires de la Compagnie britannique des Indes orientales, fondée en 1600 sous Élisabeth Ire d'Angleterre, commercent à Surat, et mettent rapidement à mal la suprématie portugaise. La Compagnie obtint un firman impérial autorisant l'établissement d'un comptoir anglais à Surat. Le déclin de ce comptoir fut consécutif à l’établissement d’un autre comptoir, à Bombay, en 1668. Deux Français, chargés par Colbert de fonder des comptoirs de commerce aux Indes orientales, le Sire de la Boullaye Le Gouz et le Flamand Beber, obtinrent du Grand Moghol Aurangzeb (1658-1707) un firman par lequel cet empereur accordait aux Français de la ville de Surat les mêmes droits que ceux dont y jouissaient les Anglais et les Hollandais. Il s’agit du premier comptoir français aux Indes, bientôt suivi par celui de Pondichéry (1674) (Wikipedia)
Pendant quatre jours, pillages, massacres et incendies s’accumulent, avec un énorme butin à la clé. À Delhi, ce n’est plus de la fureur mais de la rage. En février, Shivaji sait qu’Aurangzeb a décidé la création d’une armée du Deccan pour l’attaquer et l’extirper. Il se sait acculé. Reste la voie de la diplomatie ; Aurangzeb est séduit : le projet de vassalité de Shivaji libère l’Empire d’une des trois guerres permanentes auxquelles il doit faire face. Mais Shivaji n’est pas musulman. C’est donc la guerre.
![]() |
Janjira |
Shivaji décide de mener des opération de débarquement. De nos jours, un officier spécialisé dans ce genre d’intervention n’aurait rien à ajouter. Le moment est historique. C’est la première fois qu’un chef militaire hindou prend la mer pour mener une opération de guerre maritime. Le pillage sera immense.
![]() |
Fort de Purandar |
![]() |
Agra |
C’est là un crime de lèse-majesté ! De plus Aurangzeb le snobe visiblement, Shivaji refuse les cadeaux qu’Aurangzeb lui offre « in extremis ». Shivaji va-t-il être assassiné, ou mieux, envoyé en Afghanistan où il disparaîtra dans un obscur combat ? Finalement, Aurangzeb le fait enfermer dans la plus tristement célèbre prison de l’empire. Shivaji s’en évade simplement : de sa prison, il distribue d’immenses paniers de nourriture aux brahmanes d’Agra. Ces paniers sont régulièrement fouillés, jusqu’au moment où ils ne le sont plus; Devinez la suite ! Shivaji fait 2000 kilomètres à pied en 40 jours et nuits, en se déguisant en brahmane. Aurangzeb regrettera toute sa vie de ne pas l’avoir fait assassiner immédiatement.
Le temps de se refaire une santé, à la fin de 1666, Shivaji réapparait en public. Il veut la paix, et il va l’avoir. Jai Singh sombre dans la bassesse, et propose à Aurangzeb de faire assassiner Shivaji, au cours d’un mariage entre sa petite-fille et le fils de Shivaji ! Mais l’Empire moghol est ébranlé : les Perses menacent l’Indus, et le Bengale est au bord de la sécession. Shivaji a la paix pour trois ans. Avec la plus grande hypocrisie, il apporte sa « soumission » à Aurangzeb, qui l’accepte avec la même hypocrisie, mais qui n’en peut plus … alors qu’il ne peut plus payer ses garnisons du Deccan, qui se transforment en « grandes compagnies ». Et pour avoir « sa » paix, Shivaji se résigne à faire sa guerre, début 1670.
D’abord le financement de la campagne par le pillage et le butin. Second objectif, les forts dont le plus fabuleux est le fort de Kondana, sur une falaise escarpée de 350 mètres de haut. Le combat dure trois jours, la nuit, on se bat au flambeau, au prix d’énormes pertes. À la fin de 1670, Shivaji est maître du terrain. À Agra, c’est la pagaille.
En juin 1670, Shivaji a refait du butin à Surat, mais en beaucoup moins grande quantité. Puis il prend le contrôle de plusieurs forts et se livre au pillage traditionnel de villes riches. Le butin est énorme. Les Moghols répliquent en attaquant Pune : tous les habitants de plus de 9 ans sont abattus. Aurangzeb multiplie les massacres d’Hindous et fait remplacer les fonctionnaires hindous par des musulmans incompétents, ce qui désorganise l’administration, mais sert les intérêts de Shivaji, qui se lance dans d’autres conquêtes générant d’autres pillages, ce qui amène l’armée marathe à fabriquer des dizaines de milliers de sacs pour transporter plus facilement le butin.
Alors, Shivaji décide de se faire couronner ! Non pas par orgueil, mais - dirons-nous - par civisme. Car seule une tête couronnée détient une parcelle de divin qui fait que les peuples se prosternent. Mais quid de la caste ? Sur la base de document, vraisemblablement parfaitement faux, tout s’arrange. On passe au protocole, aux invités (pour le moins cent mille personnes), le peuple, la pesée de Shivaji en sept métaux, le tout remis aux brahmanes avec de fortes sommes d’argent…
Au cours de la cérémonie, les canons des cent trois forts marhates tonnent. Les représentants des comptoirs étrangers sont présentés au roi … Mais cela coûte très cher, et doit être financé par de nouveaux pillages, donc par la reprise des opérations militaires. Le butin est considérable. Suit un ballet diplomatique et militaire effréné : on prévoit d’échanger des forts et des territoires. En arrivant à Goa, il reçoit un émissaire secret du gouverneur : c’est un jésuite. Après une démonstration militaire, tout baigne !
Mais échec à Janjira en 1675 : une flotte marathe de 67 vaisseaux bloque le port, et une jetée est construite entre la côte et l’îlot mais une flotte hétéroclite de siddis et de pirates met un terme aux projets d’invasion de Shivaji qui prépare une nouvelle attaque en 1676. Les pirates sont achetés, la jetée est garnie de tours défensives, mais la nouvelle attaque n’a pas plus de succès. Les Siddis lancent des flots de naphte en feu et font exploser pour la première fois des bambous bourrés de poudre. Shivaji lève le siège.
![]() |
Golkonde |
Jamais la popularité de Shivaji, symbole de l’opposition à l’Islam, n’ a été aussi grande et il n’est pas déraisonnable de penser que, s’il n’était pas mort prématurément, une lame de fond hindoue aurait pu, sous sa bannière, balayer l’Islam de l’Inde. Lors de son retour de Panhala, lui, cavalier émérite, doit faire halte toutes les heures. Fièvre, oui ; dysenterie, oui ; poison, peut-être.
Le 23 mars 1680, il trébuche et s’alite. Il mourra à midi le dimanche 4 avril 1680. Un peuple qui jusque-là n’avait jamais su être un peuple, le peuple marathe, va prier dans un seul élan pendant trois jours pour un royaume qui venait de mourir avec son fondateur, mais cela il ne le savait pas.
*******************
Cet article est peut-être un peu étoffé de mots inconnus des Européens, mais il est à l’image des 400 pages consacrées par Jean-Marie de Beaucorps à un conquérant d’exception, un « père spirituel » de Napoléon Bonaparte, qui a pu dire « Quel roman a été ma vie. » Shivaji, si tu nous lis …