SOLEIL LEVANT VERSUS MATIN CALME






Création le 1 avril 2015

Nous avions déjà fait la recension d’une conférence à l’Institut du Pacifique de Bernard Dorin, Ambassadeur de France, Conseiller d’État honoraire et membre de l’Académie des Sciences d’Outre-mer, sur le thème de la guerre russo-japonaise :
http://empirkersco.blogspot.fr/search/label/a%2030%20-%20LA%20CONFRONTATION%20RUSSO%20JAPONAISE

Voici maintenant la très intéressante conférence de Michel Pensereau, historien, Chargé d'Enseignement de langue et civilisation japonaises à l'Université de la Réunion, sur les relations historiques et humaines entre Japonais et Coréens. C’est le «
Soleil levant » versus le « Matin calme ».

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 Pour les Coréens, le Japon est un archipel protégé pendant très longtemps des invasions. En revanche la Corée a toujours été chevauchée par de nombreuses invasions, malgré son appellation de « Pays du Matin calme ». L’histoire de la Corée peut être résumé par ces simples mots « C’est douloureux »

Le Japon n’a jamais été le théâtre d’affrontements avec des puissances étrangères, même s’il a été meurtri pendant la deuxième guerre mondiale. Pour cela, les Japonais ont eu la ferme croyance qu’ils étaient protégés par les dieux et en particulier par Hachiman, le dieu de la guerre. Il y a eu  deux tentatives d’invasion mongole au XIXème siècle, mais les flottilles ont été détruites par des typhons.



 Hachiman (八幡神, qui peut aussi être lu Yawata no kami) est le dieu shinto de la guerre et le protecteur divin du Japon et du peuple japonais. Son nom signifie « dieu aux huit banderoles ». Son animal symbolique et messager est le pigeon.

Terre inviolable et sacrée … Cela dit, les officiers japonais n’ont pas hésité à haranguer leurs propres soldats au moment d’un possible débarquement des troupes  américaines au Japon : « C’est sûr, les Américains débarqueront, mais nous mourrons tous ensemble. »


La péninsule coréenne s’est souvent trouvée sur la route des envahisseurs. Pour les Chinois, elle apparaissait comme une  dépendance naturelle, des « marches » militaires de l’Empire chinois, quatre commanderies militaires qui ne disparurent qu’au troisième siècle après Jésus Christ. Au XIII ème siècle, elle est envahie par les Mongols, qui font construire des bateaux par les Coréens pour essayer de débarquer dans l’archipel nippon. Ces Mongols apprécient aussi la  beauté des femmes coréennes.

Les Japonais se livrent à deux invasions de la Corée en 1592 et en 1598 ; c’est en 1905 qu’ils la transforment en protectorat  puis en colonie en 1910, et considèrent la Corée comme une province extérieure du Japon. Au vu de ceci, on peut se demander comment la Corée a pu exister ! La Corée est étrangement passée sous silence dans l’histoire de l’humanité. 


À part les guides touristiques, il est difficile de trouver des livres d’histoire sur la Corée. Pourquoi ce silence ? Parce que Chinois et Japonais y ont trouvé leur intérêt, alors qu’actuellement, la Corée est à un carrefour géostratégique majeur. Et on a même dit que les premiers empereurs japonais étaient d’origine coréenne.

En fait,  dans le temps, le Japon voulait se servir de la Corée pour envahir la Chine et les deux tentatives se sont traduite par des échecs. Il s’en est suivi un retrait « psychologique » des Japonais vis à vis de l’intérêt à porter aux étrangers, et une fermeture des contacts avec tous les étrangers.

Si les Japonais ont à affronter trois mastodontes stratégiques - la Chine, la Russie et l’Amérique -, la Corée ne peut prétendre à une alliance américaine, car les Japonais et les Américains ont conclu un agrément laissant la zone d’influence philippine aux uns et la coréenne aux autres. En 1876, donc après l’ère Meiji, le Japon forçe les ports coréens à l’ouverture et impose à la Corée un traité inégal, à l’instar des Occidentaux qui avaient imposé des traités inégaux à la Chine et au Japon. Les Japonais vont essayer de japoniser les Coréens, tout en satisfaisant un complexe de continentalité.

Le point de vue du colonisateur japonais est de faire valoir l’harmonisation de deux États qui ont des profondes affinités. une harmonisation culturelle par la circulation des hommes et des idées, une communauté de destin face à l’impérialisme occidental.


 Mais ce n’est pas le point de vue du colonisé coréen qui pense que les Japonais vont tout faire pour effacer la personnalité coréenne, que la Corée est considérée comme une monnaie d’échange. Outre les brutalités militaires, les Japonais poussent à la japonisation forcée. Le Coréen pense que les Japonais se livrent à des tripatouillage archéologiques.

Les conséquences de la victoire du Japon dans la guerre sino-japonaise sont d’augmenter l’emprise sur la Corée. Mais la victoire japonaise dans la guerre russo-japonaise empêche la Russie de posséder des ports en eau libre en Extrême Orient, à la satisfaction des Britanniques qui auront pu se partager l’extrême Orient avec les Japonais.

En 1931, le Japon s’empare de la Mandchourie, en 1937, il entre en Chine continentale, puis en 1940, il envahit l’Indochine française. En 1942, les armées nippones entrent en Malaisie, aux Indes Néerlandaises et en Nouvelle Guinée. Mais certains amiraux japonais pensent s’aventurer en Australie, voire à Madagascar. Or la marine française dispose à Diégo Suarez d’une base navale considérable, où on pouvait réparer les navires endommagés, et les Britanniques ont perdu leur base de Singapour.

Entre 1910 et 1945, on a affaire à une colonisation atypique : d’une part elle a été très dure. Les Coréens ont une mémoire divisée à l’encontre de cette colonisation qui a duré trente cinq ans. Pourquoi ? Parce que les Japonais ont réalisé de très importants travaux d’infrastructure et ont développé l’industrie, ce qui est rare pour une puissance coloniale.


 Ils vont développer considérablement les voies de communication : 25 000 kilomètres de routes et 5 000 kilomètres de chemin de fer. Des centrales hydroélectriques sont édifiées. En 1943, vingt pour cent de la production industrielle du Japon provient de la péninsule coréenne. Dans l’enseignement primaire, le nombre d’élèves scolarisés passe de 20 000 à 900 000. Et, très important, si peu de cadres japonais parlent le coréen, beaucoup de cadres coréens parlent le japonais.

Le pouvoir en Corée est exercé par un Gouverneur Général, responsable devant le seul Empereur. Autre effet : la péninsule devient une colonie de peuplement japonais. 700 000 colons japonais vont s’installer sur des terres expropriées. Mais aussi la population coréenne croit en raison de la baisse du taux de mortalité. Cette augmentation de la population coréenne est aussi significative du fait que la colonisation n’a pas été désastreuse, même si elle a été très dure.

Certains Coréens estimaient qu’ils pouvaient trouver seuls le chemin de la modernité et manifestèrent lors du décès de leur roi. Cette manifestation fut durement réprimée dans le sang. D’autres estimèrent qu’ils pouvaient collaborer temporairement avec les Japonais, participer à la modernisation pour mieux aboutir à l’indépendance. Ce dualisme explique, pendant la guerre de Corée entre Chinois et Américains, l’existence d’une véritable guerre civile entre ces les tenants de ces deux tendances.

Pour en revenir à la politique, de 1932 à 1945, la colonisation sera de plus en plus dure. En effet c’est l’époque où les amiraux et les généraux japonais prennent le pouvoir et cela se traduit par la déportation massives de travailleurs coréens vers l’archipel, mais aussi malheureusement la déportation de dizaines de femmes coréennes dites « de réconfort » pour alimenter les « bordels de campagne » de l’armée nippone.

Comme l’a dit un professeur coréen de l’Université de Paris : « On ne peut pas assimiler tout en discriminant ». En 1943, l’usage de la langue coréenne sera interdit dans les lieux publiques. Obligation d’adopter des noms japonais et obligation d’effectuer des pèlerinages dans les sanctuaires shintoïstes. Ceci pour le passé.

Actuellement, quoi qu’on en dise, les Japonais et les Coréens sont des alliés, puisqu’ils sont alliés des Etats-Unis ! Mais leurs relations sont marquées par la réminiscence du passé. De 1945 à 1965, c’est l’oubli et l’indifférence réciproques. Les Coréens du Sud s’appliquent à reconstruction et à la défense de leur pays, par la création d’une armée avec l’appui des États-Unis.


 Ceux-ci font pression pour une réconciliation sur le principe qu’on ne peut pas avoir deux alliés qui se regardent en chien de faïence. En plus il y a convergence des intérêts économiques : les investisseurs japonais sont attirés par le marché coréen, ce qui va faire qu’en 1969, la Japon devient le premier partenaire commercial de la Corée du Sud.

En 1964, la Chine Populaire fait éclater sa première bombe atomique. En retour, la Corée du Sud envoie des troupes au Viet Nam afin d’aider les Américains dans la « guerre américaine du Viet Nam » selon le Général de Gaulle. Mais aussi les Services coréens enlèvent au Japon un opposant coréen, ce qui ne plait pas aux Japonais.


 En 1980, l’Union Soviétique  fait monter en puissance son armée conventionnelle et installent des missiles à tête nucléaire capables de détruire le potentiel militaire de l’Occident, donc aussi le Japon et la Corée du Sud, ce qui entraîne une forte réaction occidentale. Le président Mitterand dira : « les pacifistes sont à l’ouest, mais les missiles sont à l’est ». Avec l’inauguration des Jeux Olympiques de Séoul, c'est la revanche coréenne  sur le Japon qui avait connu les mêmes honneurs en 1964.

Mais des tensions subsistent. En 1998, le gouvernement japonais reconnait le fait historique des préjudices causés et présente ses excuses sincères. Le gouvernement coréen appelle à surmonter leur histoire malheureuse et propose de développer des relations tournées vers l’avenir. et fondées sur une coopération amicale. Les Coréens estiment que les excuses sont insuffisantes, mais quels sont les problèmes récurrents qui détériorent depuis 1980 les relations entre la Corée du Sud et le Japon ? 


Par exemple certains manuels scolaires japonais, le sanctuaire où sont conservées les cendres de tous les soldats japonais morts depuis la fin du XIXème siècle, interprété comme le foyer de l’ultra nationalisme nippon, l’affaire des « femmes de réconfort » où le gouvernement japonais esquive ses responsabilités et estime que les Coréens ont tendance à vouloir des compensations financières.
 Il y a encore le problème des ilots entre la Corée et le Japon annexés après la guerre russo-japonaise, dont le sort n’a pas été examiné lors du traité de paix de 1952 , cela sent le pétrole « offshore ». Il y a enfin le statut des émigrés coréens sur le territoire japonais.

Par ailleurs, les jeunes japonais aiment beaucoup les chanteurs coréens !  Et le Japon essaie de regrouper une communauté d’intérêt asiatique sur le module européen. Le traité est signé en décembre 2009. Un important fonds est créé pour lutter contre le FMI et la puissance financière des États Unis. Reste à assurer la réunification de la Corée, ce qui est un problème très vaste, au sujet duquel personne ne peut envisager de possible solution.

les relations entre le Japon et la Corée du nord sont froides, c’est le moins qu’on puisse dire, et nous nous garderons de poursuivre la recension de la conférence à ce sujet. Quoiqu’il en soit, le Japon réarme. En ce qui concerne les relations entre la France et la Corée du nord, en octobre 2011 a été inauguré un bureau de coopération français à Pyong Yang.


 Voici un document rare. Les autorités nord-coréennes ont donné leur accord pour un tournage dans ce pays qui s'isole pourtant du reste du monde. Cet extrait du reportage diffusé le 19 mars sur France 2 vous fait découvrir le quotidien d'une "famille modèle" de Pyongyang, dont la vie est "écrite par le régime"






http://www.francetvinfo.fr/replay-magazine/france-2/envoye-special/video-envoye-special-coree-du-nord-la-loi-du-silence_789679.html
 

Une question intéressante a été posée par un intervenant, industriel coréen en France. Dans les concours pour les hauts fonctionnaires coréens, il n’y a pas de sujets d’histoire !  En ce qui concerne les investissements japonais en Corée, ils étaient surtout réalisés en faveur de la stratégie japonaise. Les Japonais, dans la phase de « réconciliation », ont négocié des prêts qui ont plutôt été considérés comme des « réparations de guerre » par les Coréens. Quant à la « guerre de Corée » de 1950 à 1953, entre Chinois et Américains, par Coréens interposés, elle a été cruelle pour ces derniers.

 
Les photos suivantes ont été éditées par le Service Coréen de Culture et d'information pour l'étranger
du Ministère de la Culture, des Sports et du Tourisme

Sur les 60 000 dolmen existant au monde, la moitié d'entre eux sont en Corée !