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Au musée de Port Louis (près de Lorient) |
À la fin du XVIème siècle, Philippe-Emmanuel de Lorraine, duc de Mercœur et de Penthièvre, marquis de Nomeny, baron d'Ancenis, gouverneur de Bretagne, fait partie de la Ligue, mouvement catholique opposé au roi de France.
Pour combattre Henri IV, Mercœur fait appel à des troupes espagnoles et en 1590, 10 000 hommes arrivent à Blavet, ancien nom de la ville de Port-Louis. Ces troupes sont essentiellement composées de mercenaires qui pillent le pays. Ils construisent un fort qui leur assure une solide protection en cas de représailles. Construit sur un escarpement rocheux le long du chenal d’accès à la rade, ce premier édifice, de forme semi-circulaire, est achevé en 1591.
En 1598, la forteresse est partiellement démolie. Mais ses qualités défensives sont telles que Louis XIII en fait un symbole royal, qui est rebaptisé Port-Louis. Le fort devient une citadelle, dans son aspect actuel.
Donc, l’Angleterre en avait fait de même, ce qui avait ruiné la Bretagne, mais avait donné à Lorient toute sa chance pour être le premier port exportateur français en mer océane, grâce à la valeur stratégique de sa rade. Tandis que Nantes et Bordeaux se spécialisaient dans le commerce triangulaire avec l’Afrique et l’Amérique, Lorient devenait la porte de l’Orient et de l’Extrême Orient.
Les auteurs nous emmènent à la découverte de toutes les étapes d’un voyage au long cours, depuis la construction des navires et leur armement à Lorient, la traversée de l’Atlantique et de l’Océan Indien vers les comptoirs, jusqu’au retour et aux ventes des soies, cotons, thés, cafés, poivres et porcelaines. Ce commerce est à l’origine de la fortune de Lorient.
La « preuve de vie » de ces aventures est à découvrir au Musée de la Compagnie des Indes sis en la citadelle de Port-Louis. Un musée d’art et d’histoire unique dans un cadre exceptionnel.
Que faut-il pour faire un navire ? Suit une longue liste à la Prévert. Finalement c’est toute la France et même toute l’Europe qui suit la Bretagne dans la construction et l’équipement d’un navire dont le tonnage moyen grandit peu à peu. En quarante ans, le tonnage double, passant de 600 à 1200 tonneaux. D’abord la Compagnie achète ses vaisseaux, mais ils sont de qualité insuffisante : elle les construira. La fréquentation des eaux tropicales exige une protection particulière de la coque contre les tarets. C’est que la durée de vie d’un navire marchand n’est pas supérieure à dix ans..
Contre la piraterie, il faut des canons. La Compagnie les achète d’abord à la Marine royale, puis les fabrique elle-même. Il faut ensuite organiser tout ce qui est nécessaire pour la vie des hommes. Au départ, il est embarqué trois sortes de cargaison de nourriture : les « vivres de tables » pour les officiers et les passagers « de distinction », les « vivres d’équipage » pour les hommes, et les « rafraichissements » destinés à la nourriture … des malades. Pour la cargaison, deuxième liste à la Prévert en tête de laquelle figurent les vins et alcools.
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culture du ginseng canadien |
Deux éléments attirent l’attention : le ginseng et l’or. Le ginseng est très apprécié par les Chinois. Or on a découvert au Canada une espèce de ginseng abondante et bon marché. Il est encore exporté de nos jours en Chine. Après avoir généré des bénéfices confortables, la spéculation fait chuter les cours. Quant à l’argent qui provenait de l’Amérique espagnole, il est échangé en Chine contre de l’or qui prend le chemin de l’Inde.
Passons aux matelots. La Compagnie a besoin de 1000 à 2000 « gens de mer » chaque année pour ses armements. 87% du personnel naviguant vient de Bretagne. Si la Compagnie éprouve peu de difficultés pour recruter, c’est qu’elle offre des avantages, en particulier le « port-permis », c’est à dire le droit d’embarquer une certaine quantité de marchandises et de la revendre au retour avec un bénéfice permettant de doubler sa solde, ce petit commerce se faisant soit à titre personnel, soit pour le compte d’amis … L’équipage est nourri, soigné à l’œil, et a le soutien de missionnaires qui bénéficient du passage gratuit.
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jeton de majong |
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éventail nacré |
Quant aux officiers, leur rôle est essentiel : « joindre à leur talent de leur état de marin un acquis et des connaissances supérieures. » Vaste programme. Il ne faut pas « manquer » la mousson, mais aussi maintenir la discipline, veiller au bon déroulement des opérations commerciales, et bien entendu défendre le vaisseau contre les pirates.
Les Compagnies disposent de comptoirs, de loges (simples entrepôts) et d’escales. Mais ceci fera l’objet d’autres articles.