LALLY TOLLENDAL



 Lally Tollendal au siège de Pondichéry

Modification 2 le 30 avril 2014









À la Bastille le 6 décembre 1762

Monsieur,

Depuis mon retour en France, j'ai eu l'honneur de vous représenter plusieurs fois le chagrin qui pe dévorait de  me voir accusé d'avoir détourné les deniers du roi et de la compagnie pendant que je commandais dans l'Inde. J'ai eu celui de vous remettre un dépouillement des registres du Conseil de Pondichery et j'ai par revers moi les comptes signés des quatre trésoriers de ce Conseil, conformes au dépouillement du teneur de livres pour toutes les sommes qui ont passé en recettes et en dépenses par leurs mains.

Le Gouverneur et le Conseil de Pondichery n'ont pas dit-on porté avec eux leurs registres originaux avec les pièces au XXXX et je n'en suis pas surpris, ce sera le premier compte qu'ils se seront vus forcés de rendre à leur compagnie depuis l'établissement de ses comptoirs comme cette même Compagnie le leur reproche par la lettre qu'elle m'a adressée en 1759, mais ces registres font foi de 14 à 15 millions perçus en espèces par le …… depuis l'arrivée du chevalier de …. jusques au premier octobre 1759 ils font foi de ! à ç cent mille livres employées par mes ordonnances pendant l'année 1760, il ne s'ait donc pour voir si je suis responsable d'aucun fonds de la Compagnie que d'examiner l'emploi des 15 millions de Monsieur de Bussy et des neuf cent mille francs dont j'ai ordonné la distribution, il s'agit de voir sur ce dépouillement si l'on m'a remis quelques fonds pour mon usage ou pour quelqu'autre destination.

L'état auquel je me vois réduit, Monsieur, devrait en vérité vous toucher et vous ne pouvez que sentir de quelle consolation il serait pour moi que le roi veut que je n'ai point été coupable de détourner ses deniers et ceux de la Compagnie cet examen permettez-moi  de vous le dire n'a rien de  commun avec toutes les horreurs et les abominations qui me sont imposées par une cabale animée et soudoyée et dont vous avez vu de vos yeux une partie de ses manœuvres scandaleuses, je détruirai toutes ces accusations particulières avec autant de facilité que vous en avez eue pour étouffer le cris général sur une comptabilité dont il vous est facile de voir que je ne suis point tenu.

Il est triste pour moi, Monsieur, de n'avoir d'autre recours que celui de la justice des ministres, et puisque les intrigues et le déchainement général excité contre un seul homme ont étouffé leur bonté, je n'ai de ressource que le temps les désabusera tôt ou tard sur le compte d'un homme qu'ils ont confondu avec les trois quarts de ceux qui les approchent et qui avaient commis les crimes qu'ils m'imputent s'ils avaient été à ma place puisqu'ils ont pu m'en supposer capable.

Je suis avec respect, Monsieur, votre humble et obéissant serviteur,

Lally


Voici donc la lettre que Lally Tollendal, embastillé, écrivit à "Monsieur" pour tenter sa défense. Sans succès, car quelques jours plus tard, suite à un procès expéditif, il fut décapité "sans autre forme de procès" en place de Grève le 9 mai 1766.





 L'exécution fut particulièrement pénible. Madame du Deffand - Mme du Deffand est avec Voltaire, dans la prose, le classique le plus pur de cette époque, sans même en excepter aucun des grands écrivains , écrivit Sainte-Beuve - rapporte à Horace Walpole : Horace Walpole  plus jeune fils de Robert Walpole (Premier ministre britannique), est un homme politique, écrivain et esthète britannique. Lors d'un voyage à Paris en 1765 il connut la marquise du Deffand - aveugle et âgée de 68 ans - avec laquelle il se lia et entretiendra une correspondance soutenue jusqu'à sa mort en 1780 :

"Lally est mort comme un enragé ... Comme on eut peur qu'il avalât sa langue, on lui mit un baillon. On a été content de tout ce qui a rendu le supplice plus ignominieux, du tombereau, des menottes, du baillon. Le bourreau a rassuré le confesseur qui craignait d'être mordu. Le peuple battait des mains durant l'exécution. Lally était un grand fripon, et de plus, il était fort désagréable."



Pour mieux comprendre, il faut remonter à 1720.

En 1720, Joseph François Dupleix est nommé membre du Conseil Supérieur de Pondichéry et commissaire des guerres. Il fait preuve d'un sens réel des affaires publiques et s'acquitte de ses fonctions avec un talent certain. Unissant le commerce à l'administration, il spécule habilement pour son compte et acquiert en peu de temps une grande fortune. 


En 1730, il est nommé superintendant des Affaires Françaises à Chandernagor qu'il relève de sa ruine. Sous son administration énergique, la ville prospère et accroît son importance.


Joseph François Dupleix

Il obtient en 1742 le poste de gouverneur général de tous les établissements français de l'Inde. Son ambition désormais est d'acquérir pour la France de vastes territoires en Inde. Profitant de l'anarchie produite par la dissolution de l'empire moghol, il veut faire une puissance territoriale de la Compagnie française des Indes, qui n'avait été jusque-là que commerçante. 

À cet effet, il entre en relations avec les princes locaux, et adopte un style de splendeur orientale, dans son costume et son cadre de vie. Les Britanniques en prennent ombrage.

 
Dans la guerre qui s'ensuit en 1748, il montre courage et talent, et défend pendant 42 jours Pondichéry contre une flotte britannique formidable et contre une armée de terre.  Au cours des opérations, des nouvelles arrivent concernant la paix conclue entre les Français et les Britanniques à Aix-la-Chapelle.

Il se fait céder, par un prince indien qu'il avait placé sur le trône du Deccan, tout le territoire situé entre le Krichua et le cap Comorin, avec le titre de nabab. Fort de ses succès, il s'engage dans une suite d'expéditions aventureuses, incompris de la Compagnie dont il était l'agent, mais parfaitement craint de la Compagnie anglaise des Indes.


Les conflits entre les deux grandes puissances continuent en Inde jusqu’en 1754, et provoquent la ruine de Dupleix, quand les directeurs de la Compagnie ( qui devient elle-aussi déficitaire ), sur la foi de rapports tronqués, forcent le gouvernement d'envoyer en Inde un commissaire spécial avec l'ordre de remplacer Dupleix et de le renvoyer en France, à la surprise des Indiens de Pondichéry et à la joie des Anglais de Madras. Ces ordres sont accomplis avec une brutalité inutile.


La neutralisation de Dupleix est l'un des facteurs qui permet ensuite aux Anglais de lancer la guerre de sept ans, laquelle leur permet d'obtenir le reste de l'empire colonial français. Le ministre de Louis XV, Machault, est le principal responsable de ce renvoi pour tenter d'amadouer Londres et éviter un conflit. Cette manœuvre se révéla inutile et produisit l'effet contraire.

 Ce qui restait du travail de Dupleix est donc ruiné en un instant, et lui-même est obligé d’embarquer pour la France, le 12 octobre 1754 à la grande joie des Anglais. Ce faisant, le champ libre est donné à l'Angleterre qui met en place une politique de conquête strictement copiée sur celle de Dupleix.

Le plus grand des gouverneurs coloniaux français meurt dans l’oubli, l’indigence, la misère et l'humiliation le 10 novembre 1763 à Paris, rue des Capucines, sans avoir pu se faire rendre justice.

« J’ai sacrifié ma jeunesse, ma fortune, ma vie, pour enrichir ma nation en Asie. D’infortunés amis, de trop faibles parents consacrèrent leurs biens au succès de mes projets. Ils sont maintenant dans la misère et le besoin. Je me suis soumis à toutes les formes judiciaires, j’ai demandé contre le dernier créancier ce qui m’est dû. Mes services sont traités de fables, je suis traité comme l’être le plus vil du genre humain. Je suis dans la plus déplorable indigence. La petite propriété qui me rentait vient d’être saisie. Je suis contraint de demander une sentence de délai pour éviter d’être traîné en prison. »

Revenons à Lally.

 

Qui était donc ce criminel, exécuté dans des conditions si atroces, mais qui avait réussi, par son caractère violent et sa morgue, à se faire détester par ses officiers et ses troupes, haï par la population qu’il traitait de misérables noirs ?



Thomas Arthur Lally, baron de Tollendal, était né à Romans le 13 janvier 1702, d’un père irlandais. Comme la plupart des jeunes gens de naissance noble, il avait embrassé très tôt la carrière militaire. Colonel en 1744, il s’était distingué en 1745 à la bataille de Fontenoy, ce qui lui avait valu une montée rapide dans la hiérarchie : maréchal de camp, puis lieutenant-général en 1756. On ignore à ce jour de quels appuis il avait bénéficié à la Cour pour obtenir une nomination de Gouverneur général des établissements français de l’Inde, en 1757. Peut-être, les choses étant bien mal engagées, personne n’en voulait-il ?


Source :
 
http://www.romans-patrimoine.com/Pages/Actualites/bibliotheque/lally_tollendal.htm
 

La guerre reprend assez rapidement, le commandement étant confié à Lally qui quitte la France en 1757 avec l'escadre d'Anne Antoine d'Aché et 4 000 hommes de troupes. D'Aché repousse une tentative d'interception (29 avril 1758) de l'escadre de Pocock et débarque les renforts. Lally commence par remporter quelques victoires prometteuses avec la prise du port anglais de Gondelour, du fort Saint-David au sud de Pondichéry, et enfin de la ville d'Arcate. D'Aché livre un deuxième combat au large de Négapatam (3 août 1758) à Pocock qui est tenu en échec, mais se retire à l'approche de la mousson d'hiver alors que l'escadre anglaise reste au large des côtes indiennes. 

Privées de soutien naval, les forces de Lally échouent à prendre Madras (février 1759) alors que les Anglais reçoivent des renforts et passent à l'offensive sur terre. La division s'installe aussi dans le camp français, ce qui paralyse toute action. Mésentente à laquelle s'ajoute encore une fois le soutien insuffisant de la Marine. 

Le 10 septembre 1759, d'Aché qui revient d'île-de-France avec des renforts, livre un nouveau combat victorieux contre Pocock, mais à peine a-t-il mouillé devant Pondichéry qu'il s'empresse de rentrer sur les Mascareignes. Les eaux indiennes étant abandonnées à la Royal Navy, le sort de la ville (et des autres établissements français de l'Inde) est scellé. 

En mars 1760, les Anglais engagent le siège par terre et par mer avec 16 vaisseaux et 15 000 hommes. Lally-Tollendal résiste près d'un an avant de capituler, à bout de ressource le 16 janvier 1761. Les Anglais jalousaient cette ville qui les avait fait trembler : Pondichéry sera ravagée de fond en comble par le gouverneur Pigott.

Sources : Wikipedia



Moralité : selon que vous serez puissant ou misérable, les jugements de cour vous rendront blanc ou noir ( La Fontaine )

Dupleix a quand même donné son nom à une station de métro parisienne ... 

Et en prime, il vous donne le plan du métro. Que du bonheur !