Voici deux approches du Myanmar, l'une poétique, l'autre matérielle orientée vers le spirituel.
ODE AU MYANMAR
LES ARTISANS DU MYANMAR :
La feuille d’or s’émince au prix de la sueur,
Le longy est tissé au son du bistenclaque,
Soigneux ces doigts noircis étalent cette laque,
Et dans la forge sombre où veille une lueur
Le rythme des marteaux sonne comme une claque.
Souvenirs et bijoux achetés sans erreur,
Montons dans l’autocar, nous avons fait clic-clac !
LES DONS À BOUDDHA :
La statue tutélaire se tait obstinément,
Son regard fixe ne voit que des têtes tondues.
La foule sans cesse s’écoule, continue,
Dans les boites de verre bourre le contenu
Dont tous les billets sales font un empilement,
L’or pur est à ce prix. Même s’il s’exténue
Le Palaung ou le Mön doit vivre chichement.
LE SOLEIL SUR LES STUPAS :
Aux dômes scintillants des stupas arrondis
Les flammes du couchant s’éteignent tour à tour.
L’œil et le diaphragme du touriste ébloui
Par millions de pixels figent tous ces contours.
Qu’il soit Ré ou Phébus, il brille pour toujours
Brûlant les peaux trop blanches, se reflétant dans l’or,
Demain, il viendra nous réchauffer encor.
LE LAC INLÉ :
Car il entend tout près sur l’onde et sous les cieux
Tous les bruits de moteur entraînant leur essieu.
Traînant leur gerbe blanche, les pirogue défilent
Portant vers les marchés le touriste imbécile.
Mais la jacinthe d’eau étend son manteau vert
Créant le paradis dans ce coin d’univers.
LA TONGUE :
On est prié d'enlever ses tongues avant d'entrer dans une pagode
Tassée dans le coffret ou à l’écart vaquant
Méprisée de chacun, utile sans avoir l’air,
Conduisant la moto, à vélo pédalant,
Mais toujours modeste, marchant dans la poussière,
Serrée de deux orteils, toujours avec allant
La tongue universelle aux deux pieds du Birman.
LES MOINES :
Serrant dans leurs bras maigres la soupière pansue,
Moines et moinillons tous de safrans vêtus
Ramènent dans le temple le fruit de vos aumônes.
Enfants de Sidartha, zélateurs de Bouddha
Récitant sans répit et mantras et soutras
Font monter vers le ciel où se lève l’astre jaune
La prière fervente qui mène au Nirvana.
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De qui est ce florilège ? De Rudyard Kipling ? Que nenni !
Un ingénieur ETP ?
Mais oui, c'est J.-C. C. !
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Mais autre son de cloche : un article du
MYANMAR TIMES
Shwedagon est plus qu'un symbole national. C'est le "Fort Knox" du Myanmar. Son principal stupa à lui tout seul est recouvert de près de 22 000 plaques d'or, et l'estimation du poids total de l'or varie de 9 à 60 tonnes. En comparaison la réserve officielle de la République de l'Union du Myanmar est de 7,4 tonnes. Pendant la période coloniale anglaise, on dit que que Swedagon contenait plus d'or que les dépôts de la Banque d'Angleterre.
Selon le panneau à l'entrée de la pagode, il y a une demi-tonne d'or dans l'ombrelle seule. Elle est décorée de 5500 diamants, dont le plus grand est de la même taille que celui estimé à 10 millions de dollars à une vente de Sotheby's. Son principal "cerceau" est orné de 2300 rubis, saphirs et autres pierres précieuses, ainsi que 4000 cloches d'or. Sans compter l'or, les joyaux décorant beaucoup des Bouddhas et les centaines d'autres bâtiments de l'enceinte de la pagode.
Les Birmans ne payent pas pour la visite de la pagode, mais beaucoup y investissent financièrement. A Shwedagon, comme aux autres sites saints du Myanmar, des vendeurs proposent des fleurs, de l'encens, des feuilles d'or, dont le produit est offert à la pagode. À Bagan, j'ai acheté un centimètre carré d'or pour 13 centimes de dollar, et je l'ai appliqué directement sur une statue de Bouddha … Cet or m'a été vendu six fois le prix international, et je n'étais pas le seul à acheter. À la pagode de Phaung Daw Oo, près du marché flottant du lac Inlé, j'ai vu cinq anciennes statues de Bouddha tellement couvertes de feuilles d'or qu'elles ressemblaient plus au bonhomme Michelin qu'à autre chose.
Qu'espèrent les visiteurs de cette offrande ? Il est utile de savoir pourquoi Shwedagon a été construite à cet endroit. Cet ensemble, bâti au sommet des collines, attire plus d'attention et d'énergie que toute autre construction aux alentours, et guide les yeux vers le ciel. Dans le Bouddhisme, l'attirance n'est pas le paradis, comme dans le Catholicisme, pas même le lieu du nivarna. Mais plutôt c'est une ouverture du corps, et un encouragement à contempler quelque chose de plus grand.
Mais tout cet art religieux engendre une économie locale, en drainant les croyants, et en formant une communauté. Au Myanmar, les pagodes entraînent les métiers de création et d'entretien, les taxes sur les visites, et - plus important - constituent une part du système social pour le Myanmar, où en gros 600 000 moines, religieuses et novices, ont une importance numérique supérieure à celle des 400 000 militaires. Toutes ces dépenses ostentatoires sont le symbole d'une richesse, pas seulement matérielle, mais aussi spirituelle. Redistribuer ainsi la richesse est une manière de créer des sites qui sont ressentis comme sacrés, pleins d'énergie spirituelle, où les visiteurs et les croyants peuvent se rapprocher de leurs idéaux respectifs.