MASSOUD L'AFGHAN



Le commandant Massoud, "le Lion du Panshir" racontant une histoire ...
 

Modification 1 : 26/11/2010

Les vidéos du remarquable film "Massoud l'Afghan" de Christophe de Ponfilly, aux Éditions Montparnasse, sont visibles en fin de cet article.



Élève au lycée français de Kaboul, souhaitant devenir architecte, s’engageant dans les Jeunesses musulmanes, Ahmed Shah Massoud a été ensuite, pendant 20 ans, le symbole de la résistance afghane. Depuis le 9 septembre 2001 (soit précisément 2 jours avant la destruction des «twin towers»), il est devenu une légende : celui que l’Occident n’a pas écouté : l’anti Ben Laden.


Olivier Stirn, ancien ministre, conseiller du Président de la République, témoigne :
«Un jour, le Président Giscard d’Estaing m’appelle. Il s’agit d’un message important que veut lui transmettre un Afghan Tadjik nommé Massoud, et qu’il ne peut transmettre que de vive voix à un messager de confiance. Le Président Giscard d’Estaing me charge alors d’aller en Afghanistan recueillir ce message. Ce que je fais et après un long périple, je finis par rencontrer Massoud, qui me dit ceci : «Mes renseignements me disent que les Soviétiques vont attaquer l’Afghanistan dans quelques semaines. Dites à votre Président que nous nous opposerons à leurs troupes et qu’ils ne pourront pas rester en Afghanistan.» À mon retour, j’ai transmis le message au Président. Je ne sais ce qu’il en a fait, mais, de l’avis de tous, Massoud n’avait aucune chance contre l’armée soviétique.»

Christophe de Ponfilly, en onze films, a suivi le commandant Massoud d’abord contre l’armée soviétique puis contre les Talibans. Son film final «Massoud l’Afghan» est à la fois un film sur le grand défenseur de la cause afghane, un hommage à sa mémoire, et une réflexion sur le rôle de témoin.

Effectivement, en 1979, comme annoncé par Massoud, l’armée soviétique déferle en Afghanistan. Massoud va organiser la résistance de toute une population dans la vallée du Panshir pour défendre la culture, les traditions, la religion d’un peuple qui n’a jamais accepté l’occupation étrangère. Les commandos soviétiques veulent en finir avec cette résistance et décident de détruire totalement cette vallée. Massoud est prévenu par ses espions, et, en une seule nuit, fait évacuer 120 000 habitants vers les vallées voisines, tandis qu’il continue la guerilla, de grotte en grotte, contre les Soviétiques qui parachèvent les bombardements massifs par des destructions au lance-flamme. Mais leur occupation se transforme en cauchemar et, en 1985, Massoud réussit à signer une trève avec les généraux soviétiques, ce qui lui permet de réorganiser son armée et la population tadjik.

Il réussit même à rassembler un «Conseil du Nord», une ébauche de fédération des ethnies afghanes, tandis que les Américain, avec le plus grand cynisme, estiment qu’armer les extrêmistes du sud, avec l’aide du Pakistan, leur permettra de mieux lutter contre les Russes. Effectivement ceux-ci quittent l’Afghanistan en 1989, laissant un million et demi de morts afghans, et 5 millions en exil, et en prime un gouvernement extrêmiste surarmé qui n’aura de cesse que de faire la guerre à Massoud.


L’Afghanistan a perdu ses élites politiques, administratives, industrielles et compte 95% d’analphabètes. En 1992, Massoud entre dans Kaboul, mais pas pour prendre le pouvoir qu’il abandonne aux civils, et doit s’allier à Dostom, un chef violent, sans foi ni loi. La paix ne dure que quelques jours, dans une ville où tous les voyous sont armés. «Je n’aurais jamais du entrer à Kaboul» avouera plus tard Massoud à Christophe de Ponfilly. Le mal est fait et, en septembre 1996, il se retire dans sa vallée où il est à nouveau menacé en permanence par le mouvement taliban qui a pris la place du gouvernement pro-soviétique.

Avec les Talibans, tout est interdit, sauf prier. C’est une véritable dictature, soutenue en sous-main par les Pakistanais, les Séoudiens et les Américains. Une compagnie pétrolière traite avec les Talibans. Depuis son réduit du Panshir, Massoud organise la lutte contre ces Taliban qui veulent l’anéantir, ce qu’ils feront effectivement, grâce à une caméra piégée manipulée par de faux journalistes. Ben Laden a pris soin d’éliminer un rival, ami de l’Occident, et un vrai musulman. C’est alors que les Américains s’aperçoivent de leur immense erreur.

Christophe de Ponfilly aura bien sûr recueilli les confidences de Massoud. Celui-ci parle assez bien le français, mais pas l’anglais. Ponfilly lui fait remarquer que «si vous aviez appris l’anglais, vous seriez passé devant toutes les télévisions et vous auriez peut-être changé le cours de l’histoire. Car les Américains estiment que les personnes intelligentes parlent l’anglais, et qu’ils perdent leur temps avec les autres.»

Peu à peu, Massoud perd ses compagnons, les uns après les autres. La mort, l’abandon, la trahison. Mais jusqu’au bout, il garde l’espérance, en chef respecté et en homme aimé par des milliers de guerriers. Il a la guerilla dans le sang, et il sait y faire, pour féliciter ses officiers après une victoire quand il leur dit «Devant une si grande résolution qu’est la vôtre, les montagnes fondent ...»
Massoud est un homme qui aime la poésie, la lecture, qui est un bon conteur, qui apprécie le Général de Gaulle, qui n’accepte pas que les Talibans soient si intolérants et si contraire à la volonté de Dieu. Mais ce n’est pas un homme qui sait organiser l’après-guerre, il a agi en tacticien, pas en stratège. De Ponfilly a dit de Massoud : «Massoud était précis, mais il a fait une énorme erreur de croire qu’il devait régler le problème afghan, et il ne regardait pas le monde étranger.» Or Christophe de Ponfilly a mis fin à ses jours en 2006, en désespérance de s’être trop brûlé les ailes aux rayons mortels du drame afghan, qui pourrait hélas prendre des allures de répétition générale d’un conflit mondial ...

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Massoud lit une poésie à ses commandants